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même cette ressemblance, cet accord d’elle à lui, que nous indiquons. M. Rœderer a mille fois raison au sujet des relations de Molière avec le monde de Mmes de Sévigné, de La Fayette, et en montrant que la pièce des Femmes Savantes ne les regardait en rien. Quant à La Fontaine, il est constant qu’à une époque il fut fort en familiarité avec Mme de La Fayette ; on a des vers affectueux qu’il lui adressait en lui envoyant un petit billard : ce devait être du temps où il dédiait une fable à l’auteur des Maximes, et une autre à mademoiselle de Sévigné[1].

Depuis la mort de M. de La Rochefoucauld, les idées de Mme de La Fayette se tournèrent de plus en plus à la religion ; on en a un témoignage précieux dans une belle et longue lettre de Duguet, qui est à elle. Elle l’avait choisi pour directeur. Sans être liée directement avec Port-Royal, elle inclinait de ce côté, et l’hypocrisie de la cour l’y poussait encore plus. Sa mère, d’ailleurs, avait épousé en secondes noces le chevalier Renaud de Sévigné, oncle de Mme de Sévigné, et l’un des bienfaiteurs de Port-Royal-des-Champs, dont il avait fait rebâtir le cloître : il n’était mort qu’en 1676. Mme de La Fayette connut Duguet, qui commençait à prendre un grand rôle spirituel pour la direction des consciences, et qui, dans cette décadence de Port-Royal, n’en avait que les traditions justes et intimes, sans rien de contentieux ni d’étroit. Voici quelques-unes des paroles sévères qu’adressait ce prêtre selon l’esprit, à la pénitente qui les lui avait demandées :

« J’ai cru, madame, que vous deviez employer utilement les premiers momens de la journée, où vous ne cessez de dormir que pour commencer à rêver. Je sais que ce ne sont point alors

  1. Mme de La Fayette était donc bien réellement du même groupe et comme du même Parnasse que La Fontaine, Racine et Despréaux ; et le petit récit suivant n’est que l’image un peu enfantine du vrai : « En 1675, dit Ménage, Mme de Thianges donna en étrennes une chambre toute dorée, grande comme une table, à M. le duc du Maine. Au-dessus de la porte, il y avait en grosses lettres : Chambre du Sublime. Au dedans un lit et un balustre, avec un grand fauteuil, dans lequel était assis M. le duc du Maine, fait en cire, fort ressemblant. Auprès de lui M. de La Rochefoucauld, auquel il donnait des vers pour les examiner. Autour du fauteuil M. de Marsillac et M. Bossuet, alors évêque de Condom. À l’autre bout de l’alcôve, Mme de Thianges et Mme de La Fayette lisaient des vers ensemble. Au dehors du balustre, Despréaux avec une fourche empêchait sept ou huit méchans poètes d’entrer. Racine était auprès de Despréaux, et un peu plus loin La Fontaine, auquel il faisait signe d’avancer. Toutes ces figures étaient de cire, en petit, et chacun de ceux qu’elles représentaient avait donné la sienne. » Ménage ne nous dit pas s’il a posé pour l’un des cinq ou six mauvais poètes chassés par Boileau.