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MANUSCRIT DE SANCHUNIATHON.
miers, comme il ne s’y trouvait pas de bois de construction, Joram se vit forcé d’y faire porter, par huit mille chameaux, celui dont il avait besoin. On y construisit une flotte de dix vaisseaux, dont Kedar, Jamine et Kotilos obtinrent le commandement. Lankapatus[1], le seul des trois Éthiopiens qui eût survécu, désirant revoir sa patrie, s’embarqua avec eux et la flotte mit à la voile.
La mer d’Éilotha fut bientôt franchie, mais des tempêtes ne permirent pas aux voyageurs de traverser le détroit pour pénétrer dans la haute mer. Ils se décidèrent donc à débarquer dans une île pour y attendre la fin du mauvais temps. Pendant leur séjour dans cette île, ils semèrent du froment dans un endroit favorable et recueillirent une abondante moisson. Ensuite, ils franchirent le détroit, se dirigèrent à l’est et rencontrèrent, long-temps après avoir quitté l’Arabie, des vaisseaux babyloniens qui revenaient d’Éthiopie dans leur patrie.
Le jour suivant, les Phéniciens aperçurent le pays des Éthiopiens, désert et sablonneux sur le rivage, mais hérissé de montagnes dans l’intérieur. Durant dix jours ils longèrent cette côte inhospitalière, faisant toujours voile à l’est, et atteignirent enfin le point où elle se dirige vers le sud, à une distance infinie, couverte de villes populeuses. Les Éthiopiens possédaient aussi des vaisseaux et se livraient à la navigation ; mais leurs bâtimens n’étaient pas équipés en guerre, et l’usage des voiles leur était inconnu. Les Tyriens continuèrent leur route pendant trente-six jours et arrivèrent enfin dans l’île de Rachius.
Ils débarquèrent sur un rivage très bas et couvert d’arbres énormes ; mais durant la nuit, un vent impétueux les en éloigna, et ils coururent de grands dangers jusqu’au moment où ils trouvèrent enfin un mouillage sûr. Dans l’intérieur du pays s’élevaient de nombreux villages très peuplés, et quand les Phéniciens s’avancèrent dans les terres, ils furent entourés par les indigènes, qui accoururent en grand nombre et les conduisirent au gouverneur de la province. Celui-ci les traita somptueusement durant sept jours. Pendant ce temps, il envoya un messager au roi de la contrée pour l’informer de l’arrivée des étrangers et lui demander ses ordres. Le septième jour, le messager revint, et le jour suivant le gouverneur conduisit les Tyriens au roi, qui habitait la grande et populeuse ville de Rochapatta dans l’intérieur de l’île.
La marche était ouverte par une troupe de doryphores (lanciers) que le roi avait envoyés pour escorter les étrangers et pour écarter, par le bruit de leurs armes, les éléphans, dont ce pays abonde, et qui rendaient le voyage très dangereux. Ensuite venaient les Tyriens dont les chefs, Kedar, Ko-
  1. En sanscrit Lankapati, le seigneur de Lanka, Ceylan.