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de faux ; cet éclectisme qui seul peut arracher les sciences morales à leur immobilité. Il s’agit de commencer, en France, avec la méthode du xviiie siècle, mais dans un esprit éclectique, la régénération de la science intellectuelle. » — Le mot adopté pour symbole de la philosophie nouvelle ne nous paraît pas suffisamment expliqué. En ne lui attribuant que sa valeur littérale, on arriverait à un non-sens, puisqu’il n’est pas possible d’assembler deux idées sans être un choisisseur. Toutes les sectes, toutes les religions, sans en excepter la religion catholique, ont été forcément éclectiques, c’est-à-dire que, pour former leur dogme, elles ont emprunté plus ou moins aux doctrines antérieures. Mais il y a deux manières d’exercer ce choix : ou l’on se détermine d’après certaines règles généralement admises, et que l’on accepte comme la raison de l’humanité entière ; ou bien on pose en principe la souveraineté de la raison individuelle, et dans ce cas chacun se doit faire sa loi intellectuelle et morale selon les lumières qu’il a trouvées en sa conscience. Dans la première théorie, la liberté individuelle est opprimée par la majorité ; la société neutralise l’individu : c’est le règne de l’absolutisme. L’opinion contraire isolant les individus ne peut produire que des tendances divergentes, des fanatismes hostiles. L’anarchie dès-lors est inévitable, et doit passer promptement de la sphère des idées dans la région active. Concilier la loi sociale avec le droit personnel, voilà le grand, l’unique problème de la philosophie. Ce problème n’est pas assez formellement posé dans le cours de M. Cousin pour qu’on en trouve la solution complète. Il résulte de cette indécision que les disciples inintelligens prêtent au maître une absurdité, en attribuant à chacun le droit illimité de choisir, et que dans l’opinion vulgaire l’éclectisme de M. Cousin est encore celui de Diderot, qui disait naïvement : « Quiconque reçoit le système d’un autre éclectique, perd aussitôt le titre d’éclectique, »

C’est à l’œuvre qu’il faut juger les doctrines. Tous les successeurs de Descartes, éclectiques en ce dernier sens, ont admis pour principe générateur de toute philosophie, l’analyse de la pensée. De ce même point de départ, Locke, Reid et Kant, les trois lumières du xviiie siècle, sont arrivés à des termes opposés. Vient à son tour M. Cousin, qui répudie l’œuvre de ses devanciers, et recommence, à ses risques et périls, la décomposition de la pensée par la conscience.

Et d’abord qu’est-ce que la conscience ? Voici la réponse à cette première question. (Pag. 15.) « Toute intelligence, par cela seul qu’elle est intelligence, doit nécessairement se comprendre elle-même au nombre de ses connaissances, et cette vue inévitable d’elle-même est ce qu’on appelle la conscience. » Acceptons cette définition, qui n’est pourtant pas celle des dictionnaires, et n’oublions pas que la conscience est l’exercice