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REVUE DES DEUX MONDES.

VAN BUCK.

Pourquoi pas ? Il n’en faut pas plus ; tu vois clairement à qui tu as affaire, et ce sera toujours de même. Que tu seras heureux avec cette femme-là ! Allons tout dire à la baronne ; je me charge de l’apaiser.

VALENTIN.

Bouillon ! Comment une jeune fille peut-elle prononcer ce mot-là ? Elle me déplaît ; elle est laide et sotte. Adieu, mon oncle, je retourne à Paris.

VAN BUCK.

Plaisantez-vous ? où est votre parole ? Est-ce ainsi qu’on se joue de moi ? Que signifient ces yeux baissés, et cette contenance défaite ? Est-ce à dire que vous me prenez pour un libertin de votre espèce, et que vous vous servez de ma folle complaisance, comme d’un manteau pour vos méchans desseins ? N’est-ce donc vraiment qu’une séduction que vous venez tenter ici sous le masque de cette épreuve ! Jour de Dieu ! si je le croyais !…

VALENTIN.

Elle me déplaît, ce n’est pas ma faute, et je n’en ai pas répondu.

VAN BUCK.

En quoi peut-elle vous déplaire ? Elle est jolie, ou je ne m’y connais pas. Elle a les yeux longs et bien fendus, des cheveux superbes, une taille passable. Elle est parfaitement bien élevée ; elle sait l’anglais et l’italien ; elle aura trente mille livres de rente, et en attendant une très belle dot. Quel reproche pouvez-vous lui faire, et pour quelle raison n’en voulez-vous pas ?

VALENTIN.

Il n’y a jamais de raison à donner pourquoi les gens plaisent ou déplaisent. Il est certain qu’elle me déplaît, elle, sa foulure et son bouillon.

VAN BUCK.

C’est votre amour-propre qui souffre. Si je n’avais pas été là, vous seriez venu me faire cent contes sur votre premier entretien, et vous targuer de belles espérances. Vous vous étiez imaginé faire sa conquête en un clin d’œil, et c’est là où le bât vous blesse. Elle vous plaisait hier au soir, quand vous ne l’aviez encore qu’entrevue, et qu’elle s’empressait avec sa mère à vous soigner de votre sot accident. Maintenant, vous la trouvez laide, parce qu’elle a fait à peine attention à vous. Je vous connais mieux que vous ne pensez, et je ne céderai pas si vite. Je vous défends de vous en aller.

VALENTIN.

Comme vous voudrez ; je ne veux pas d’elle ; je vous répète que je la trouve laide, et elle a un air niais qui est révoltant. Ses yeux sont grands,