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REVUE LITTÉRAIRE.

de l’emprisonnement), livre nourri de méditations et de faits observés, et sur lequel nous appellerons particulièrement l’attention de nos lecteurs, lorsque nous résumerons la discussion engagée sur le système pénitentiaire.

iv. — PHILOLOGIE.

Dans l’une des dernières livraisons de la Revue, M. Dujardin a démontré que les phrases obtenues par la lecture des hiéroglyphes sont intraduisibles par la langue qu’on croit celle des anciens Égyptiens. Mais il a négligé une tâche plus humble qui rentre dans le cadre de ce bulletin bibliographique : c’est de faire connaître le plan et les détails du livre déjà célèbre qu’on peut considérer comme le testament scientifique de Champollion. Le livre de M. Champollion est intitulé : Grammaire égyptienne, ou Principes généraux de l’écriture sacrée égyptienne, appliquée à la représentation de la langue parlée[1]. La première partie, qui seule est publiée, forme le tiers de l’ouvrage, et contient neuf chapitres. Le premier résume l’histoire du plus noble et du plus puissant de tous les arts, celui de l’écriture. L’idée de consacrer la mémoire des faits importans par la représentation même des objets qui forment, pour ainsi dire, le corps du discours, n’appartient pas aux seuls Égyptiens. Elle s’est produite, comme une inspiration naturelle, à l’origine de presque toutes les sociétés, et fait encore aujourd’hui la base du système graphique des Chinois. La peinture servile du langage, étant impossible en beaucoup de cas, on ne tarda pas à donner aux figures une valeur conventionnelle. Le nombre en fut probablement limité, et le choix fait d’après certaines règles. Champollion, qui a copié et soumis à la plus scrupuleuse analyse toutes les inscriptions que le temps n’a pas encore effacées, rapporte les objets figurés à seize classes bien distinctes. Dans la première, par exemple, il range les corps célestes ; dans la seconde, les êtres humains divers par l’âge et l’attitude ; viennent dans les suivantes les animaux, les plantes, des instrumens de métier, ou simplement des formes géométriques. Le nombre des figures usitées dans chacune de ces seize subdivisions n’est pas déterminé. Champollion af-

  1. Chez Firmin Didot, petit in-folio ; prix de la première partie : 25 fr. L’imprimeur M. F. Didot, justement célèbre dans l’art qu’il professe, a imaginé pour ce volume un procédé ingénieux, qui, avec quelques perfectionnemens, pourra trouver de nombreuses applications ; c’est l’alliance de l’imprimerie et de la lithographie. La nécessité de marier sans cesse dans le même texte l’écriture hiéroglyphique et l’écriture ordinaire présentait une difficulté ; on a composé la planche d’impression en ménageant des espaces pour les figures. L’impression des caractères a été transportée sur la pierre lithographique, où les hiéroglyphes ont été dessinés dans les blancs réservés.