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d’obtenir, comme nous, une économie de temps, ils avaient été obligés de dessiner cinq ou six images pour dire ce que figurativement on pouvait exprimer par une seule ? S’il est vrai qu’ils se sont tenus à ce monstrueux système, même à une époque où ils ne pouvaient plus ignorer le mécanisme des alphabets hébraïque, grec et romain, c’est probablement que la superstition les attachait à une pratique informe, conservée sans amélioration depuis les premiers essais d’écriture. Nous voyons, en effet, qu’affranchis de leurs préjugés par le christianisme, ils appliquèrent l’alphabet grec un peu modifié à l’idiome vulgaire, qui prit dès-lors le nom de langue copte.

Les objections logiques soulevées par la théorie de Champollion sont graves, il faut le reconnaître ; et, dans l’application, les causes d’erreurs paraissent nombreuses. C’est, en beaucoup de cas, la difficulté de désigner l’objet représenté par le hiéroglyphe, soit complet, soit abrégé ; c’est encore le sens vague des symboles, la triple signification des mêmes caractères, et surtout l’emploi simultané de trois valeurs différentes. Si l’on tient compte enfin des variations probables de la langue copte, il résulte de cet ensemble une multitude de combinaisons qui laissent aux illusions de l’interprète une latitude infinie. Il y a plus. Les règles exposées dans la Grammaire égyptienne ont paru démenties par les essais de vérification tentés jusqu’ici. Les critiques anglais, dévoués au docteur Yung, affirment que les textes déchiffrés par Champollion sont inexplicables par la langue copte, et chez nous, cette même opinion est soutenue avec autorité par M. Dujardin.

Néanmoins la majorité des esprits graves et exercés, ceux qui sont assez forts pour sacrifier à l’avancement des sciences toutes les suggestions personnelles, diffèrent leur jugement, qui doit clore tout débat. Ils savent que s’il est prudent de ne pas croire sur parole l’auteur d’un système, il est juste aussi de ne pas admettre légèrement les objections qui lui sont opposées. Ils savent que, quand la vérité vient à surgir, elle ne se dégage pas nettement de l’erreur, et que souvent des expériences mieux dirigées ont corrigé les détails qui, à première vue, paraissaient contredire le principe. Il suffit de reconnaître que la méthode créée par celui qu’on a surnommé l’Œdipe français peut seule conduire à la solution de la grande énigme, et qu’à ce titre elle méritait la protection des savans qui ont obtenu pour elle la publicité. Il ne serait pas impossible d’ailleurs que l’incrédulité fût bientôt vaincue. La critique est à l’œuvre. Nous parlons de cette critique qui cherche les difficultés, non pas pour les mettre en saillie, mais pour les aplanir. Deux dictionnaires coptes, qu’on dit très satisfaisans, viennent d’être publiés, l’un à Turin, par M. l’abbé Peyron ; l’autre en Angleterre, par M. Tattem. En même temps un savant italien,