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ment social, c’est-à-dire le précepte de la charité, de la fraternité universelles. Il prêche une association libre, renouvelée du temps des apôtres, où les riches vendaient leur bien pour former un fonds social commun. Ce que le christianisme n’a obtenu qu’un instant, et par des moyens de persuasion dont nous n’avons plus l’intelligence, la philosophie véritable, celle de M. de Potter, — « a mission de le faire et le fera. Elle réunira et unira tous les hommes, juifs, chrétiens, mahométans et idolâtres, sectateurs de Boudha et de Confucius, croyans et sceptiques, déistes, panthéistes et même athées, pourvu qu’ils reconnaissent les droits de l’homme, croient à la justice et aiment leurs semblables (p. 197). » Voilà certes un magnifique programme, et nous regrettons bien de n’avoir pas saisi la base logique d’une philosophie qui promet tant de merveilles. L’auteur avoue que l’individualisme absolu est la négation de la société, et rend impossible tout rapprochement durable. Il repousse également le sens que les catholiques attribuent au mot autorité. Est-ce que la raison qu’il préconise ne serait pas plus la raison de chacun que celle de tout le monde ? M. de Potter lèvera facilement cette difficulté. Il possède un argument qui répond à tout, si bien qu’il se pose à lui-même des objections pour se donner le plaisir de les détruire. Voici le raisonnement, fort sensé d’ailleurs, qu’il prête à ses adversaires (page xxxviii) : — « Que mettrez-vous, en attendant que la philosophie ait pris corps, à la place de la société, telle que le christianisme et le catholicisme l’ont constituée ? — Je n’en sais rien, répond-il, ni ne dois le savoir, car la philosophie que vous craignez tant, ne sera jamais un système complet et arrêté d’avance… Il y aura toujours mouvement, c’est-à-dire développement, variation, progrès ! »

Par cette appréciation du philosophe, on peut se faire une idée de l’historien. Les trois premiers livres, qui, avec l’introduction, forment le premier volume, conduisent jusqu’à la fin du ive siècle de l’église et aux querelles suscitées par les novatiens, à l’occasion des canons pénitentiaux, époque intéressante pour les origines du droit ecclésiastique. M. de Potter n’a pas prétendu animer le tableau des évènemens : sa narration ne vise jamais à l’effet dramatique. Il reconnaît au contraire les imperfections de son style, et fait valoir sa condition d’étranger comme un droit à l’indulgence. Son livre n’est, à vrai dire, qu’une série de dissertations et d’aperçus critiques sur les faits principaux des annales sacrées. Il nous semble dicté dans un esprit de scepticisme et de dénigrement qui n’est plus de notre siècle. Ainsi, après avoir renouvelé sur l’existence même de Jésus-Christ des doutes assez ridiculement fondés sur le silence de Flavius Josèphe et de Philon le Juif, l’auteur évite de se prononcer sur ce point fondamental. Les hérésies présentaient autant de problèmes qui sont en-