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procès. Elles abondent en renseignemens fort instructifs sur la personne des grands artistes de l’antiquité, sur leurs moyens techniques, sur le sort de leurs compositions ; et dans la réunion des deux volumes, on trouverait les matériaux d’un des plus curieux chapitres de l’histoire de l’art. Quant au point en litige, il est impossible de se prononcer en sûreté de conscience. Évidemment les deux genres de peinture ont été pratiqués par les maîtres de la belle époque, et il est peut-être futile de rechercher si l’un a été la règle et l’autre l’exception. Tous les textes, selon le sens qu’on leur attribue, viennent tour à tour en aide à chacune des parties. Il nous semble cependant que M. Letronne a un peu trop usé du droit d’interprétation. En lisant ses lettres ingénieuses, nous nous sommes représenté un avocat habile, déployant les ressources du savoir et d’une heureuse élocution pour s’emparer des faits et se les concilier par l’analyse. Par exemple, doit-on admettre avec M. Letronne que Synesius, visitant Athènes en 402, ait écrit, par erreur, que les planches de bois qui avaient reçu les chefs-d’œuvre de Polygnote venaient d’être enlevées du Pécile ? Pline parle en effet d’un mur de briques couvert de peintures, scié à Lacédémone, et enchâssé dans un cadre de bois, soixante ans environ avant notre ère ; mais il ajoute qu’à Rome on admira moins l’œuvre du peintre que le moyen hardi employé pour la déplacer. N’est-ce pas dire implicitement que les autres tableaux qui depuis un siècle se trouvaient dans la ville étaient de nature à être transportés sans difficulté ? L’enlèvement du stuc qui revêtait les murailles n’est indiqué que par de rares exemples ; encore ne se rapportent-ils pas directement aux produits de l’art grec. Les faits rassemblés en faveur de l’opinion adverse paraissent plus décisifs. C’est Polybe qui voit, après le sac de Corinthe, des tableaux jetés à terre, et dont les soldats romains se servent comme de tables à jouer ; c’est Pline disant de la Vénus anadyomène, le chef-d’œuvre d’Appelle : Consenuit hæc tabula carie ; c’est aussi l’usage des expositions et des défis publics en Grèce, attesté par diverses anecdotes. Au reste, si M. Raoul-Rochette doit gagner sa cause, on ne lui reprochera pas d’avoir séduit ses juges. Il y a dans son plaidoyer de l’humeur souvent, mais jamais de malice, beaucoup de pages, et pas un livre. Sa verbeuse érudition paraît descendre en droite ligne des savans en us, si bien que nous serions tentés de dire avec le docteur allemand dont il a invoqué le suffrage : Bene disputavit Rochettus.

On ne sait pourquoi les Traditions tératologiques, recueillies et publiées avec un commentaire par M. Berger de Xivrey, ont pris rang parmi la collection des documens relatifs à l’histoire de France. Ce volume contient : 1o De monstris et belluis, ouvrage latin du xe siècle ; ce qu’il offre de plus monstrueux, c’est l’ignorance de nos pères en fait de zoologie ;