Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/616

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
612
REVUE DES DEUX MONDES.

Dans sa dissertation, Sainte-Palaie avait émis une opinion très favorable à ces chroniques, et avait été jusqu’à dire « que si elles étaient imprimées avec les corrections et les restitutions nécessaires, on pourrait presque, avec cette seule lecture, acquérir une connaissance suffisante de notre histoire. » M. Paris nous semble avoir eu tort d’adopter cette opinion, et nous croyons qu’il a été beaucoup trop loin dans son zèle pour la réhabilitation du monument qu’il publiait. En justifiant les compilateurs des chroniques de Saint-Denis d’avoir préféré le texte d’Aimoin à celui de Grégoire et de Fredegaire, il s’est même laissé entraîner jusqu’à faire le procès de l’illustre évêque de Tours, auquel seul nous devons de savoir quelque chose des premiers temps de notre histoire. Au xiie et au xiiie siècles, les moines de Saint-Denis ont pu préférer les contes d’Aimoin aux récits de Grégoire et de Fredegaire ; mais de notre temps, préférer Aimoin à Grégoire, ce serait nier la critique historique. Pour un ouvrage souvent remanié, le choix d’un texte présentait une difficulté sérieuse. Fallait-il, à l’exemple des bénédictins, suivre pour chaque époque le plus ancien manuscrit ou s’en tenir à la rédaction définitive ? M. Paris a pris ce dernier parti. Le texte qu’il donne, d’après un grand nombre de manuscrits, date du xive siècle. Les notes qui l’accompagnent renvoient aux annalistes latins qui ont fourni les élémens de la compilation française.

L’histoire littéraire s’est enrichie d’un document assez curieux. C’est l’Inventaire des livres de l’ancienne bibliothèque du Louvre, fait en l’année 1375, par Gilles Mallet, garde de ladite bibliothèque pour le roi Charles V. La librairie, comme on disait alors, occupait trois étages de l’une des tours du vieux Louvre. Elle s’était formée des copies que le roi faisait faire à grands frais, ou des ouvrages nouveaux dont il encourageait la composition. Souvent aussi, les seigneurs se mirent à la recherche des manuscrits pour flatter les goûts studieux du maître, et, en 1407, le duc de Guyenne fit en ce genre un présent de grande valeur. Presque tous ces ouvrages, au nombre de huit à neuf cents, étaient couverts de riches étoffes, écrits et enluminés avec soin. Les courtisans et les clercs disposaient assez librement de cette bibliothèque, de sorte que ses continuelles acquisitions la renouvelaient sans l’enrichir. En 1411, un nouveau catalogue, dressé par le successeur de Mallet, donna à peu près le même nombre de volumes, mais avec beaucoup de mutations : le tout fut alors estimé 2,322 livres 4 sols, somme qui représenterait en notre monnaie une valeur assez considérable. Pendant l’invasion anglaise, le trésor littéraire amassé par Charles-le-Sage tenta le duc de Bedfort, qui prenait la qualité de régent du royaume ; mais comme une spoliation complète eût été impolitique, il s’adjugea, pour 1,200 livres, tous les volumes qu’il