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lettre dans laquelle il était dit que Froberger, Casp. Kerl, Paschelbel, ou tout autre, se serait fait un plaisir de se rendre à l’invitation des habitans d’Arnstadt, mais que le jour de la Résurrection était une fête trop solennelle pour abandonner son poste ou le confier à un élève inexpérimenté. Le soir du jour qui précédait le dimanche de Pâques, les notables s’étaient réunis et causaient tristement des choses du lendemain, lorsque le bedeau accourut en toute hâte, apportant une lettre adressée au chapitre. Un messager de paix, la branche d’olivier à la main, n’aurait pas excité plus d’émotion dans le sénat d’une ville assiégée, que ce brave Kirchner, lorsqu’il apparut avec sa lettre au milieu du conseil des notables. Ils furent bientôt tous groupés autour de lui, se disputant le précieux message, que le plus ancien et le plus érudit de l’assemblée fut chargé de lire à haute voix. Il se fit un profond silence ; maître Sebald se leva, et avec l’aide de ses lunettes et du bedeau, qui lui tenait la lampe, il lut ce qui suit :

Messieurs du chapitre de la ville d’Arnstadt,

« L’appel spontané que vous me faites est la plus douce récompense que j’aie encore tirée de mes graves études, et je ne cesserai jamais de me glorifier d’avoir été préféré par vous à tous mes confrères, les organistes d’Allemagne. Bien que je me regarde comme indigne de tant d’honneur, j’aurais été heureux de me rendre sur-le-champ auprès de vous, et de célébrer, au milieu de votre famille, les solennités pascales ; mais, hélas ! j’ai des engagemens sacrés avec la ville de Lübeck. Voyant qu’il m’était impossible de me rendre à votre invitation, aussitôt après avoir reçu votre lettre, je courus chez un jeune organiste auquel j’ai donné des conseils pendant les trois derniers mois qui viennent de s’écouler, afin de le prier d’aller remplir dans votre église la place honorable que vous me destiniez. Mais il semble que le Seigneur ait voulu m’enlever tout moyen de vous témoigner ma reconnaissance. Le jeune homme venait de partir, et personne n’a su me dire quel chemin il avait pris. Vous trouverez cette conduite étrange, vous qui ne connaissez point le caractère mystérieux de l’écolier dont je vous parle. Il est arrivé un jour, les pieds tout poudreux et le bâton de voyageur à la main. Il s’est assis à l’orgue, et les sons