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satisfaire. Mais plus la pédale est une partie importante et capable d’effets miraculeux, plus elle exige, de la part de celui qui s’approche d’elle, une habitude profonde, une force rare de modération. L’organiste doit connaître tous les points de son vaste domaine, et lui demander tout ce qu’il peut donner, car ce qu’il peut donner est immense ; et certes Bach le savait bien, et jamais paysan avide d’une double récolte ne laboura sa terre avec plus de constance et de soin, que lui le champ des orgues, sous lequel il entendait sourdre d’étranges bruits ignorés des hommes. Et les effets qu’il obtenait tous les jours, Sébastien les devait moins encore à son harmonie admirable qu’à cet art merveilleux, qu’il a possédé seul, de donner à la pédale la voix qui lui est propre.


Les compositions que Bach a écrites pour l’orgue, se divisent naturellement en trois classes.

La première contient les grands préludes et les fugues avec pédale obligée. Il serait difficile de déterminer précisément le nombre de ces compositions ; je pense cependant qu’il ne doit pas s’élever au-dessus de douze.

La seconde, les préludes sur les mélodies de divers chorals. Les morceaux dont il est ici question exigent la pédale obligée, différens en cela des chorals que Sébastien écrivit à Arnstadt, et que l’on peut, au besoin, exécuter avec les seules mains. Leur nombre monte bien à cent. Forkel en possédait soixante-dix. Il est impossible de rien entendre de plus digne et de plus sacré que ces préludes.

Six sonates en trios pour deux claviers avec pédale obligée. Bach les composa pour l’aîné de ses enfans, Wilhelm Friedmann, lequel dut peut-être à l’étude sérieuse qu’il en fit le talent élevé auquel il est parvenu. Je dirai, pour tout éloge de ces œuvres, qu’elles furent écrites par Jean-Sébastien dans la force de l’âge et la maturité du génie.

L’harmonie de Sébastien est le plus souvent un tissu de mélodies nettes, limpides et chantantes, et dont chacune peut devenir à son tour partie principale ; dans ce genre de composition, Sébastien n’a point de rival, il n’existe rien de pareil au monde[1].

  1. Il y a bien des gens qui prétendent que Bach n’a fait que perfectionner l’harmonie. Pour tout homme qui a de l’harmonie une idée droite et juste et se la représente comme