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REVUE DES DEUX MONDES.

VALENTIN.

Tu regardes toujours ta larme céleste, et moi aussi, mais dans tes yeux bleus.

CÉCILE.

Que le ciel est grand ! que ce monde est heureux ! que la nature est calme et bienfaisante !

VALENTIN.

Veux-tu aussi que je te fasse de la science et que je te parle astronomie ? Dis-moi, dans cette poussière de mondes, y en a-t-il un qui ne sache sa route, qui n’ait reçu sa mission avec la vie, et qui ne doive mourir en l’accomplissant ? Pourquoi ce ciel immense n’est-il pas immobile ? Dis-moi ; s’il y a jamais eu un moment où tout fut créé, en vertu de quelle force ont-ils commencé à se mouvoir, ces mondes qui ne s’arrêteront jamais ?

CÉCILE.

Par l’éternelle pensée.

VALENTIN.

Par l’éternel amour. La main qui les suspend dans l’espace n’a écrit qu’un mot en lettres de feu. Ils vivent parce qu’ils se cherchent, et les soleils tomberaient en poussière, si l’un d’entr’eux cessait d’aimer.

CÉCILE.

Ah ! toute la vie est là.

VALENTIN.

Oui, toute la vie — depuis l’Océan qui se soulève sous les pâles baisers de Diane, jusqu’au scarabée qui s’endort jaloux dans sa fleur chérie. Demande aux forêts et aux pierres ce qu’elles diraient si elles pouvaient parler ? Elles ont l’amour dans le cœur et ne peuvent l’exprimer. Je l’aime ! voilà ce que je sais, ma chère ; voilà ce que cette fleur te dira, elle qui choisit dans le sein de la terre les sucs qui doivent la nourrir ; elle qui écarte et repousse les élémens impurs qui pourraient ternir sa fraîcheur ! Elle sait qu’il faut qu’elle soit belle au jour, et qu’elle meure dans sa robe de noce devant le soleil qui l’a créée. J’en sais moins qu’elle en astronomie ; donne-moi ta main, tu en sais plus en amour.

CÉCILE.

J’espère, du moins, que ma robe de noce ne sera pas mortellement belle. Il me semble qu’on rôde autour de nous.

VALENTIN.

Non, tout se tait. N’as-tu pas peur ? Es-tu venue ici sans trembler ?

CÉCILE.

Pourquoi ? De quoi aurais-je peur ? Est-ce de vous ou de la nuit ?

VALENTIN.

Pourquoi pas de moi ? qui te rassure ? Je suis jeune, tu es belle, et nous sommes seuls.