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sidence, que des hommes à épaulettes : c’est l’armée qui commande et qui dispose de tout. Parlons d’abord des officiers. Quand un jeune homme de ceux qu’on appelle décens, c’est-à-dire de bonne famille, est trop borné ou trop paresseux pour étudier et se faire licenciado (avocat), comme il croirait déroger et s’avilir en cherchant dans le commerce, l’agriculture, les arts ou une industrie quelconque, un moyen de se faire une existence honorable, il ne lui reste que l’alternative de se faire soldat ou moine ; il faut qu’il opte entre l’uniforme et le froc ; s’il se décide pour le premier, sa famille remue ciel et terre pour lui faire obtenir le grade de sous lieutenant, et il n’a pas de peine à se faire admettre, car pour peu qu’il sache lire et écrire, c’est tout ce qu’on exige de lui, c’est là le seul examen qu’il ait à subir. Une fois le jeune officier lancé dans les premiers grades, il est sûr de faire son chemin ; en révolutionnant, en vendant sa noble épée tantôt à un parti, tantôt à un autre, il parviendra rapidement et pourra devenir général, président même. C’est ainsi que presque tous les officiers de l’armée mexicaine sont entrés dans la carrière. Comme il n’y a au Mexique aucune espèce d’écoles militaires, on ne demande aux officiers ni instruction, ni connaissance de l’art, ni aptitude pour le métier ; qu’ils sachent dire aux soldats : portez armes ! marchez à droite, à gauche ! c’est là l’essentiel. Aussi est-il bien certain que le meilleur général mexicain ne serait pas capable d’être un bon lieutenant en Europe, et qu’en campagne il serait battu par un sous-officier de notre armée.

Ces officiers n’ont de militaire que le nom ; ils n’en ont même pas la tournure. Ils portent l’uniforme plus mal que ne le ferait le plus lourd paysan de la Bretagne. D’abord ils sont généralement petits, grêles, mal faits, sans poitrine, courbés et disgracieux dans toute leur personne. À ces défauts de la nature, ils joignent le plus grand ridicule et la plus grande négligence dans leur tenue : des épaulettes d’une grosseur démesurée qui retombent sur la poitrine, l’habit déboutonné, laissant à découvert la chemise et les bretelles. Un chapeau rond, à larges bords, est leur coiffure ordinaire. Ils sont le plus souvent sans cravate et sans épée ; c’est la petite tenue. Les jours de fête, et quand ils revêtent le grand uniforme, ils portent un haut et large chapeau à trois cornes, excessivement élevé, et surmonté d’une touffe de plumes tellement longues, que toute la coiffure a bien quatre pieds, ce qui contraste merveilleusement avec