Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
REVUE. — CHRONIQUE.

din débarqués le 25 janvier, ont vu accepter, le 15 février, leurs stipulations par le sénat, en séance publique.

En 1825, M. de Mackau, commandant une division navale, composée de quatorze bâtimens de guerre, armés de six cents pièces de canon, avait fait accepter, presque de vive force, une ordonnance royale, qui accordait une reconnaissance sous des conditions impossibles à remplir. L’indemnité imposée était de 150 millions. On sait l’histoire de cette indemnité qui n’aboutit qu’à faire remplir, à des capitalistes français, un désastreux emprunt de 30 millions, dont une partie seulement a été remboursée. Une concession d’un demi-droit à l’entrée et à la sortie fut aussi faite, en 1825, au commerce français. Cette concession diminua encore les revenus de la république. Les différends qui s’élevèrent depuis, à mesure que se déclaraient les impossibilités de remplir les engagemens pris par le gouvernement haïtien, la crainte d’une attaque de la part de la France, obligèrent la république d’Haïti à porter son armée à trente mille hommes, autre source de ruine qui dure encore. C’est dans cet état de choses que les commissaires de 1838 ont trouvé notre ancienne colonie ; c’est avec un gouvernement réduit à émettre, depuis dix ans, 15 millions d’assignats non hypothéqués, avec un pays où la culture est presque abandonnée dans la crainte d’une invasion, qu’ils avaient à traiter d’une double indemnité pécuniaire qui ne pouvait être réduite à moins de 90 millions, en y comprenant les 30 millions de l’emprunt de 1815, déjà remboursés en partie, c’est-à-dire plus qu’une année des revenus de cet état.

Les envoyés français avaient pour instruction de s’assurer des ressources du pays, de n’exiger rien d’impossible, de se défier des conditions qui rendent un traité plus brillant, mais qui ne se réalisent point, comme celles de 1825. Il leur était recommandé de se baser uniquement sur des investigations financières, sur des notions positives, dont ils emportaient déjà avec eux presque tous les élémens. Ils avaient à stipuler pour les anciens colons, à assurer le paiement intégral de l’emprunt de 1825, et à régler les relations commerciales d’une manière avantageuse pour la France, sans diminuer les ressources du pays, dont la prospérité doit garantir désormais l’exécution du traité. Toutes ces conditions ont été remplies. Au lieu de suivre les erremens de la restauration, comme on en avait accusé le ministère, avant même que la conclusion du traité ne fût connue en France, on a employé dans l’article premier les termes mêmes du traité de 1783, par lequel la Grande-Bretagne reconnaissait l’indépendance des États-Unis d’Amérique. Par le traité financier, l’indemnité due par la république demeure fixée à 60 millions, payables par un mode progressif jusqu’en 1867, en monnaie de France, et dans les six premiers mois de chaque année. 2,800,000 francs ont été embarqués sur-le-champ sur la frégate la Néréïde, pour le montant du premier paiement. Un million est affecté tous les ans au service de l’emprunt d’Haïti. Cette dernière négociation offrait de grandes difficultés ; elle a été plusieurs fois sur le point d’être rompue. Qu’on se figure la situation délicate des commissaires français dans ces pénibles débats, entre les intérêts