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DE L’ALLEMAGNE.

de l’Allemagne, expressions invoquées tour à tour par les peuples et par les cabinets ; les uns s’efforçant d’en étendre la signification, les autres arguant de leur ambiguïté calculée pour justifier la mesure restreinte de leurs concessions.

Les traités de Vienne ont été, pour l’Europe, ce que fut pour la France la Charte de 1814, une halte entre le droit public du passé et celui de l’avenir, une transaction entre des souvenirs impuissans et des théories mal formulées. Le passé avait posé les prétendues lois d’un équilibre dont les bases, assises à Munster, furent bientôt après bouleversées par Louis XIV, puis, lors des succès de la coalition contre la France, reprises en sous-œuvre à Utrecht, ce congrès de Vienne du xviie siècle, puis encore bouleversées ; rétablies, altérées, selon les intrigues des cours ou les arrêts dictés par la victoire depuis Frédéric jusqu’à Napoléon. En place de cet équilibre, qu’il a fallu autant de guerres pour maintenir que cet équilibre même n’en a prévenu, l’avenir semble destiné à consacrer un droit nouveau, celui des nationalités. On cherchera sans doute graduellement, dans la sanction donnée à ces nationalités elles-mêmes, une force qui manqua trop souvent aux combinaisons arbitraires d’une politique artificielle.

Mais cette idée était encore un peu moins avancée en 1815 qu’elle ne peut l’être aujourd’hui ; on croyait alors très sincèrement à la possibilité de renouer la chaîne des temps ; on voulait restaurer l’Europe, qu’il n’était pas, en effet, temps de refondre ; on subissait néanmoins, dans une certaine mesure, au milieu de beaucoup d’incohérences et d’hésitations, assurément fort légitimes, l’influence de ces passions contemporaines si subitement éveillées. Aussi, sans autre préoccupation que d’échapper, pour le moment, à une position difficile, combina-t-on les faits avec les principes, les droits antiques avec les idées nouvelles, et l’acte fédéral fut la dernière et la plus complète expression de ces inévitables incohérences.

Quoi qu’il en soit, on sait qu’en vertu des traités de Vienne des constitutions représentatives furent successivement octroyées à la Bavière, au Wurtemberg, au grand-duché de Bade, à la Hesse, au Hanovre, et que la Prusse elle-même dut organiser des états provinciaux dans toute l’étendue de sa monarchie, établissement qui complétait l’ensemble des institutions administratives conçues par le baron de Stein, édifice auquel une politique plus hardie, dont le prince de Hardenberg eut le pressentiment, aurait peut-être conseillé de donner, dans l’intérêt de l’unité prussienne, un complément nécessaire.

Ces institutions politiques, qui, pendant dix années, n’exercèrent qu’une action peu sensible au-delà du Rhin, et dont l’influence ne semblait pas d’abord devoir être d’un grand poids dans les relations diplomatiques de ce pays, se présentent en ce moment sous un aspect nouveau.

Après 1830, l’Europe s’est trouvée divisée en deux zones distinctes ; et par ses sympathies non équivoques, par ses manifestations les plus éclatantes, l’Allemagne méridionale a témoigné vouloir prendre son rôle poli-