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DE L’ALLEMAGNE.

roi Ernest de Hanovre n’a pas voulu que cette dernière facilité pût manquer à ceux qui viendraient expérimenter un jour la solidité de l’édifice germanique.

Ce coup d’œil, rapidement jeté sur l’Allemagne politique, doit faire comprendre quels embarras ont éprouvés les gouvernemens constitutionnels, par suite d’une tentative qui devait infailliblement réveiller les méfiances publiques et ranimer l’opposition amortie au sein des assemblées représentatives. Celles-ci se devaient à elles-mêmes, comme elles viennent de le faire, en effet, de protester contre le précédent du Hanovre, qui s’applique à toutes les constitutions allemandes. Voir recommencer la crise de 1832 est un souhait qu’aucun des gouvernemens de ce pays n’oserait faire, même avec la chance d’y conquérir des prérogatives nouvelles. Tous savent combien la plus légère complication, et l’action même indirecte de la France en rendrait l’issue redoutable.

S’il est, du reste, un acte inique dans le fond, insolent dans sa forme, c’est, à coup sûr, ce retrait d’une constitution très librement émanée de la prérogative royale, retrait qu’on promet de compenser par une remise de quelque mille thalers, don de joyeux avènement, jeté par le despotisme au peuple criant largesse.

La constitution hanovrienne de 1833 peut arguer d’une origine aussi sévèrement monarchique que la Charte française de 1814. Si, après 1830, des troubles graves éclatèrent à Osterode et à Gœttingue, ces symptômes menaçans avaient complètement disparu, et le calme le plus profond régnait dans le royaume, lorsque le duc de Cambridge, ouvrant, en 1832, la session des états, annonça, au nom du roi, que des modifications étaient par lui jugées indispensables à la constitution de 1819. Les états discutèrent ces modifications pendant une année, et présentèrent le résultat de leur travail au monarque, qui ne le promulgua comme nouvelle loi fondamentale du royaume qu’avec des altérations importantes.

L’étrange prétention du successeur de Guillaume IV est un outrage à la foi publique plus encore qu’à la liberté. Il n’y a pas de droit politique, il n’y a pas d’engagemens internationaux, si des agnats héritant d’une couronne sont admis à invalider des dispositions légales, et d’après le même principe, des stipulations diplomatiques, sous le prétexte qu’elles s’appliqueraient à leurs intérêts de famille et qu’ils ne les auraient pas consenties. La solidarité est la base de la perpétuité monarchique, et l’ancien duc de Cumberland aurait intérêt à respecter ce dogme, la seule force des royautés, lorsqu’elles sont représentées par certains hommes.

Que ce prince réussisse à faire une autre constitution, ou que sa tentative échoue devant une résistance passive, la seule force de l’Allemagne livrée à elle-même, il a posé un principe dont, pour être reculées, les conséquences ne seront pas moins importantes. De doctes professeurs ont dû porter hors du royaume, à la prospérité duquel leur popularité était indissolublement associée, des leçons interdites aux chaires muettes de Gœttingue ; des élèves