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HOMMES D’ÉTAT DE L’ANGLETERRE.

M. Lambton et le docteur Phillpotts sont arrivés l’un et l’autre par des voies différentes au but de leurs efforts, à la grandeur et à la fortune dans leurs carrières respectives ; mais leur vieille haine est toujours aussi vive et semble prête à éclater en injurieuses provocations, toutes les fois que leurs opinions se choquent dans les débats de la chambre des lords.

Pendant la crise qui suivit le rejet du second bill de réforme par la chambre haute, lord Durham ne se lassa jamais d’insister auprès de lord Grey sur la nécessité de vaincre cette résistance par une création considérable de pairs. Mais une mesure aussi révolutionnaire ne répugnait pas moins, dans le sein du cabinet, à la prudence et à la timidité des uns qu’aux préjugés aristocratiques des autres ; lord Grey lui-même, malgré l’ascendant que son gendre exerçait sur son esprit, opposa définitivement à ces conseils de la violence une résolution inébranlable. Dès-lors se manifesta entre lord Durham et ses amis politiques du ministère une froideur à laquelle le cours des évènemens a donné par la suite un caractère encore plus grave. C’est aussi le temps où le parti radical, irrité de ménagemens et de concessions qu’il regardait comme autant de trahisons et de pas rétrogrades faits par le ministère de la réforme, adopta lord Durham pour son chef, et proclama en lui le maître futur des destinées de l’Angleterre, l’apôtre du libéralisme enfin victorieux.

Après le raffermissement du cabinet de lord Grey, au mois de mai 1832, lord Durham, mécontent de l’esprit de modération qui commençait à prendre le dessus dans ses conseils, et poussé par le déplorable état de sa santé à chercher quelque soulagement dans un changement d’occupations et de climat ; accepta une mission extraordinaire et spéciale à Saint-Pétersbourg, mission assez follement imaginée du reste, qui avait, disait-on, pour objet principal, de faire accepter par l’empereur Nicolas la médiation pacifique de l’Angleterre en faveur des Polonais.

Je n’ai pas besoin de rappeler que ce but, si toutefois il était bien réel, et si le ministère anglais y avait bien sérieusement songé, fut manqué complètement. Les secrets de la diplomatie transpirent fort peu à Londres ; aussi tout ce que nous avons pu savoir de la mission de lord Durham à Pétersbourg, c’est qu’il y fut accueilli avec une distinction marquée, et caressé même avec affectation par le czar et ses ministres ; qu’il revint en Angleterre pénétré d’une admiration pour l’empereur Nicolas, qui contraste singulièrement avec ses opinions démocratiques en matière de politique intérieure, mais que l’inter-