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ment posé comme le chef du parti radical. Je ne sache rien de plus curieux que les flatteries et les témoignages d’admiration prodigués, par les plus fervens apôtres des idées démocratiques, au plus fier de ces aristocrates hautains qu’ils affectent de tourner en ridicule. Quelques-uns affirmèrent sérieusement que, si M. George Lambton avait recherché un titre nobiliaire et ambitionné la pairie, c’était pour consacrer toutes ses facultés à la défense du peuple, dans une assemblée où les droits et les intérêts populaires en avaient si grand besoin. D’autres y mettaient plus de naïveté : ils déploraient la faiblesse qui lui avait fait accepter la couronne de comte, mais ils déclaraient, pour la consolation de tous les vrais patriotes, que c’était la seule tache dont l’éclatant civisme de M. Lambton fût légèrement altéré. On me dispensera de dire jusqu’à quel point lord Durham, qui est aussi fier que personne de sa naissance et de sa pairie, aimait à voir ainsi demander grace en son nom pour le tort de l’une et de l’autre.

Le dernier ministère de sir Robert Peel n’a point eu à se défendre contre l’opposition active de lord Durham, que sa mauvaise santé empêchait de prendre part aux travaux du parlement. Mais après la chute de cette administration, il accepta de nouveau le poste d’ambassadeur à la cour de Russie. Ici, je dois dire que cette résolution étonna beaucoup et beaucoup de monde. On ne s’expliquait pas qu’il consentît à s’éloigner de la scène politique, au moment où le plus grand nombre de ses admirateurs le croyaient près de recueillir l’héritage du pouvoir suprême. On ne doutait pas que les whigs ne fussent enchantés de se débarrasser en lui d’un rival dangereux et d’un ami incommode ; mais il est plus difficile de pénétrer le secret des motifs personnels auxquels il céda en acceptant une espèce d’exil diplomatique, à moins, toutefois, comme je l’ai entendu souvent assurer, et comme cela est arrivé à beaucoup de grands seigneurs anglais, que son immense fortune eût été assez dérangée par les profusions et le laisser aller de la vie politique, pour avoir besoin de se refaire aux dépens de celle de l’état.

Je ne suivrai pas lord Durham dans son ambassade de Russie. Nos relations avec cette puissance n’indiquent assurément pas que notre diplomatie ait eu de grands succès à Pétersbourg, ni qu’elle y fait valoir avec énergie le nom et les ressources de l’Angleterre. Cependant je crois qu’on peut accorder à lord Durham le mérite d’y avoir montré, en définitive, autant de dignité que le permettaient les cir-