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REVUE
LITTÉRAIRE.

Angelica Kauffmann.[1]

Personne assurément ne contestera la puissance du roman ; personne ne niera ses merveilleux moyens de séduction et son influence prodigieuse sur les masses. Il a conquis, grâce au génie des écrivains qui l’ont exploité, une belle place dans la littérature, et c’est en ce moment le genre d’ouvrage le plus en vogue et le plus populaire. Cependant, il faut l’avouer, on en a fait abus, soit en adaptant sa forme à une foule de compositions qui ne la comportaient point, soit en le traitant lui-même d’une manière incomplète et exagérée. Le roman est une dégénération de l’épopée ; c’est l’histoire de la vie commune, le plus souvent sous des noms feints ou avec des personnages supposés. Comme telle, ç’a été un grand tort, selon nous, que d’y introduire la poésie avec ses élans et son rhythme, c’était abaisser la muse que de lui faire quitter les cimes du Parnasse pour les bas-fonds de la plaine. Comme enfant de l’épopée, ç’a été méconnaître sa nature que de le transporter dans le domaine de la philosophie, de la politique et de la science. En disant cela, nous ne voulons pas mettre en doute la valeur des œuvres qui se sont montrées au public avec des habits d’emprunt ; nous ne prétendons pas contraindre l’écrivain à ne donner pour forme à sa pensée que celle qui en émane directement, mais nous aimons assez qu’un chêne soit un chêne, et ne mêle pas à ses branches rugueuses et tordues les rameaux élancés du platane ou du peuplier.

  1. vol. in-8o, chez Ambroise Dupont, rue Vivienne, 7.