Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/480

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
476
REVUE DES DEUX MONDES.

conduite. Quand le moment fut venu de mettre à la voile, il se rendit à son poste avec sa galère, et appareilla avec le reste de la flotte, au commencement de 1686.

Il prit une part brillante à tous les principaux combats qui signalèrent cette mémorable campagne, et se distingua particulièrement au siège de Coron et à la bataille que gagnèrent les Vénitiens sur le capitan-pacha Mustapha dans les plaines de la Laconie. Quand l’hiver arriva, Morosini, après avoir mis en état de défense ses nombreuses conquêtes, mena la flotte hiverner à Corfou, où elle était à même de surveiller à la fois l’Adriatique et la mer Ionienne. En effet, les Turcs ne firent, pendant toute la mauvaise saison, aucune tentative sérieuse ; mais les habitans des écueils du golfe de Lépante, soumis, l’année précédente, par le général Strasold, profitant du moment où la violence des vents et la perpétuelle agitation de la mer empêchaient les gros navires de guerre vénitiens de sortir, protégés d’ailleurs contre ceux qu’ils pouvaient rencontrer par la petitesse et la légèreté de leurs barques qui allaient se cacher, comme des oiseaux de mer, derrière le moindre rocher, se livraient presque ouvertement à la piraterie. Ils attaquaient tous les bâtimens de commerce que les affaires forçaient à tenter ce passage difficile, souvent même des galères armées, s’en emparaient la plupart du temps, pillaient les chargemens et massacraient les équipages. Les Missolonghis surtout s’étaient réfugiés dans les îles Curzolari, situées entre la Morée, l’Étolie et Céphalonie, et causaient d’horribles ravages. Le généralissime, pour y mettre un terme, envoya, dans les îles les plus infestées, des garnisons de marins choisis avec de fortes galères, et en confia le commandement aux officiers les plus habiles et les plus résolus de l’armée. Il n’oublia pas Soranzo, qui, ennuyé de l’inaction où se tenait l’armée, avait l’un des premiers demandé du service contre les pirates, et lui confia un poste digne de ses talens et de son courage. Il fut envoyé avec trois cents hommes à la plus grande des îles Curzolari, et chargé de surveiller l’important passage qu’elles commandent. Son arrivée jeta la terreur parmi les Missolonghis, qui connaissaient sa bravoure indomptable et son impitoyable sévérité ; et, dans les premiers temps, il ne se commit pas un seul acte de piraterie vers les parages qu’il commandait, tandis que les autres gouvernemens, malgré l’activité des garnisons, continuaient à être le théâtre de fréquens et terribles brigandages. Son oncle, enchanté de sa réussite complète, lui fit envoyer par la république des lettres de félicitation.

Cependant Orio, trompé dans l’espoir qu’il avait formé de trouver