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LETTRES
SUR L’ÉGYPTE.

Industrie Manufacturière.

D’après sa constitution physique et géologique, l’Égypte est-elle appelée à avoir des manufactures ? Mohammed-Ali n’a-t-il pas commis une erreur économique en voulant y importer la fabrique européenne ? Ne devait-il pas s’occuper exclusivement de la réforme agricole ? Ces questions ont été le texte de nombreux commentaires. Pour nous, il nous semble que l’industrie agricole et l’industrie manufacturière sont si intimement liées, qu’on peut bien, il est vrai, les scinder par l’esprit, par la science, mais non dans la réalité vivante, dans la pratique. Mohammed-Ali, qui n’est élève ni d’Adam Smith ni de Jean-Baptiste Say, mais de la nature et de l’expérience, a senti cette solidarité entre les deux grandes branches de l’industrie humaine ; et comme il ne pouvait agir immédiatement sur l’industrie agricole, parce qu’en Égypte, plus encore que dans tous les autres pays du monde, cette industrie est celle qui a le plus d’étendue et de profondeur dans le corps social, qu’elle est par conséquent livrée aux mains les plus routinières, et présente le plus d’obstacles et de difficultés dans sa réforme ; Mohammed-Ali, disons-nous, a importé dans son pays les résultats les plus saillans de l’industrie manufacturière européenne, bien convaincu que cette industrie, créée ainsi de toutes pièces en Égypte, réagirait sur sa sœur aînée, et amènerait tôt ou tard sa régénération. L’éducation des peuples, comme celle des individus, est un fait progressif ; le