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CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

doctrinaires, comme il l’a fait déjà, avec quelle aigreur ils dénigrent aussitôt son talent, avec quel dédain ils rabaissent bien vite son caractère ! Et cela en termes qui sont loin de sentir l’atticisme, et qui seraient plus dignes d’un club jacobin que d’une école qui se vante d’avoir fleuri dans l’atmosphère aristocratique des salons.

Ne nous étonnons donc pas que M. Guizot ait si promptement abandonné le rôle de modérateur suprême, qu’il avait affecté au début de la session, pour voter avec la partie du centre gauche qui s’est séparée du cabinet, et qu’il ait laissé dire à ses amis que le seul remède aux embarras du présent était la reconstruction du ministère du 11 octobre.

Nous croyons volontiers à la sincérité de ce désir, car une coalition pourrait seule aujourd’hui ramener pour quelques jours M. Guizot aux affaires, l’état de l’esprit public ayant rendu impossible un ministère centre droit.

En remettant le pouvoir entre les mains des amis de M. Guizot, la reconstruction du 11 octobre aurait encore pour eux plusieurs avantages

Elle annulerait le centre gauche.

Elle ôterait à M. Thiers la moitié de son importance politique. Elle remettrait la gauche modérée dans la position fausse dont des circonstances heureuses et l’habileté de M. Barrot ont su la tirer.

Il est remarquable que le parti doctrinaire ne peut retrouver quelque avenir politique qu’en nous ramenant au passé. S’il pouvait avoir la fortune de quelques émeutes, ses beaux jours reviendraient.

On ne retourne pas péniblement, surtout en ce pays, sur les traces déjà parcourues : le 11 octobre a dû sa prospérité à des circonstances impérieuses ; il a été un fait nécessaire ; il ne serait plus aujourd’hui qu’une fantaisie.

A-t-on bien réfléchi à ce que signifierait la coalition de M. Guizot et de M. Thiers aux affaires ? Ce serait dénoncer que le pays et la royauté ne peuvent être conduits et sauvés que par deux hommes, et que nous ne saurions nous passer d’une dictature en partie-double. Ce serait nier les progrès accomplis, les ressentimens calmés, le retour des esprits, la possibilité des hommes et des talens nouveaux.

Le pays ne l’entend pas ainsi : il voit dans M. Guizot un homme que ses passions ont fourvoyé, et qui a fourni, sinon la totalité, du moins la plus grande partie de sa carrière ministérielle ; dans M. Thiers, un des membres les plus éminens du centre gauche, dont