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POLITIQUE DE LA FRANCE EN AFRIQUE.

néral ou particulier assez décisif pour sortir, dans l’ouest de l’Algérie, de la situation qu’elle y a acceptée, et briser le traité qui la lui a faite.

Et toutefois, si nous en croyons nos pressentimens, ce traité ne peut pas être d’une bien longue durée. Il sera difficile à l’émir de renoncer à ses intrigues dans la province de Constantine, et difficile à nous de les y tolérer, si elles compromettent l’œuvre que nous y avons entreprise. Là est la grande et principale cause de rupture qui menace dans un avenir assez rapproché le traité de la Tafna. Une autre, c’est la nécessité même où pourra se trouver l’émir de chercher dans la guerre des moyens d’influence qu’il désespérera de trouver dans la paix. Une dernière enfin, mais la plus éloignée de toutes, c’est l’inconvénient que nous finirons par trouver à l’occupation restreinte des provinces de l’ouest. En effet je suis convaincu d’une chose, c’est qu’en présence d’Abd-el-Kader, cette occupation bornée exigera chaque année autant d’hommes, coûtera chaque année autant d’argent, qu’une occupation complète de tous les principaux points de l’intérieur. Pour peu que le système de domination directe continue de réussir à Constantine, l’idée d’une application générale de ce système gagnera d’année en année. Nous nous convaincrons qu’il est de beaucoup le plus économique, parce qu’il n’exige pas plus de forces et perçoit plus d’impôts. Nous verrons qu’il est de beaucoup le plus politique, parce qu’il est le seul qui puisse nous donner un empire en Afrique. Nous comprendrons qu’il est incontestablement le plus favorable à la colonisation, car la colonisation présuppose une appropriation immuable du pays, et la certitude de cette appropriation n’existera pas tant que nous aurons en face de nous en Afrique une puissance arabe, puissance trop faible, il est vrai, pour nous en expulser en temps de paix, mais qui, en temps de guerre, pourrait, à l’aide de nos ennemis, y parvenir. Nous nous apercevrons enfin que ce système est le seul qui soit digne de la France ; car ne serait-il pas honteux de rester éternellement l’arme au bras, avec une armée considérable, en face d’Abd-el-Kader, et de n’oser, quand on s’appelle la France, saisir une domination dont quinze mille Turcs ont pu s’emparer, et qu’ils ont librement exercée pendant trois siècles ? Évidemment une telle situation n’est pas tenable. Nous ne pourrons long-temps nous y résigner, et si l’émir ne rompt pas le traité, nous serons évidemment entraînés à le briser nous-mêmes.

Des causes insurmontables, et que rien ne saurait prévenir, ne peuvent donc manquer d’amener tôt ou tard, et si nous ne nous trompons, dans un avenir prochain, le renouvellement de la guerre en