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merce ; de plus, le voisinage de Constantinople oblige de soumettre tous les navires qui arrivent à une quarantaine de quatorze jours, ce qui entraîne beaucoup de frais et une grande perte de temps. Enfin le port n’est pas bon, comme on l’a déjà dit plus haut. « Ces inconvéniens, dit M. Spencer, auxquels il faut ajouter les formalités coûteuses relatives aux passeports, les lois de la quarantaine, les règlemens du port, et beaucoup d’autres, sont bien sentis des négocians ; le commerce a visiblement décliné dans les dernières années, spécialement avec la Grande-Bretagne. Malgré cela, nos marchands sont les principaux, et je pourrais dire presque les seuls acheteurs des matières brutes de cette partie de l’empire. La balance du commerce est toutefois en faveur de la Russie ; car, bien que nos importations soient très considérables, les droits élevés dont elles sont grevées par notre adversaire équivalent presque à la prohibition de nos produits manufacturés. Cette politique imprudente a détourné le cours du commerce des ports de la Russie à ceux de la Turquie ; aussi Constantinople, Trébisonde, etc., voient-elles leur prospérité s’accroître rapidement ; leurs ports sont pleins de navires anglais, et leurs bazars de marchandises anglaises.

« Le commerce russe a encore un autre danger à craindre ; car maintenant que la navigation du Danube est ouverte, ainsi que l’accès de pays long-temps négligés et presque inconnus, tels que la Bulgarie, la Servie, la Moldavie et la Valachie, pays fournissant en abondance les articles qu’on tire de Russie, mais presque absolument dénués de manufactures, nos marchands trouveront certainement leur intérêt à y établir des marchés où ils pourront vendre et acheter. Nous pouvons encore ajouter que la Hongrie, la fertile Hongrie, fatiguée de l’isolement systématique où la tient l’Autriche qui l’empêche de trouver aucun débouché avantageux pour ses productions, est résolue à faire un énergique effort pour obtenir du gouvernement qu’il renonce à une politique si ruineuse pour elle, ce qui lui sera probablement accordé. Dans ce cas, il s’établirait entre l’Angleterre et la Hongrie des relations commerciales également avantageuses pour les deux pays. »

Après avoir passé quelque temps à Odessa, où il fut retenu beaucoup plus qu’il n’aurait voulu par les interminables formalités relatives aux passeports, M. Spencer se rendit à Galatz à travers la Bessarabie et la Moldavie, de Galatz à Varna et de cette ville à Trébisonde sur le bateau à vapeur le Croissant. « Le Croissant, dit-il, était rempli à la lettre de passagers, Turcs pour la plupart. La pas-