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LA LITTÉRATURE EN SUÈDE.

étaient plus près des chroniques d’Allemagne et des chroniques d’Islande. La poésie populaire de Suède et celle de Danemark sont, du reste, tellement apparentées qu’il n’y a souvent entre les chants de l’une et de l’autre qu’une légère différence d’idiome et de forme. Les deux peuples provenaient de la même origine. Ils avaient les mêmes traditions, le même culte, la même langue. La nature n’avait mis entre eux qu’une barrière étroite et facile à franchir. Ils se voyaient d’une des rives du Sund à l’autre. Ils se rencontraient à chaque instant sur les flots de la mer Baltique ; par leurs relations en temps de paix comme en temps de guerre, l’histoire de l’un devenait l’histoire de l’autre. Plus d’une fois les Suédois empruntèrent, pour composer leurs chants, un héros au Danemark, et les Danois leur firent le même honneur.

Il y a pourtant dans le Folkvisor, comparé au Kœmpeviser, une teinte moins sombre, quelque chose de plus tendre et de plus humain. Ce qui apparaît souvent dans cette poésie du peuple suédois, c’est le tableau de l’amour. C’est l’amour candide et fidèle dont rien n’altère l’espoir, dont rien n’ébranle la croyance, qui se console du passé en songeant à l’avenir, qui, penché sur le lit de mort, attend dans un autre monde le bonheur qu’il a vainement rêvé dans celui-ci.

Un voyageur part pour les pays étrangers et dit à celle qu’il aime : « Combien de temps m’attendras-tu ? — Je t’attendrai quinze ans, » lui répond-elle. Il revient au bout de quinze ans et la trouve fidèle et tendre comme le jour où il l’a quittée.

Un jeune homme tombe malade. Sa fiancée va le voir et s’asseoit sur son lit. Il se fait apporter tout ce qu’il possède de plus précieux. Il lui donne ses anneaux, ses chaînes d’or. « Pourquoi me donnes-tu tout ? lui dit-elle. N’as tu pas des frères et des sœurs ? — Mes frères et mes sœurs, répond le malade, trouveront un appui dans ce monde ; mais toi, quand je serai mort, tu n’auras plus personne pour te consoler. » Quelques instans après, on sonne la cloche funèbre pour lui, et le lendemain on la sonne pour elle.

Un chevalier, poursuivi par ses ennemis, s’est retiré avec celle qu’il aime dans une île déserte. Une troupe nombreuse d’hommes armés s’avance pour s’emparer de lui. Il est seul contre tous, et pourtant il ne cède pas. La jeune fille lui apporte elle-même sa longue épée, lui lace sa cuirasse sur les épaules. Il combat pour elle et à côté d’elle. Il s’élance au-devant de ses adversaires et les renverse autour de lui.

Quelquefois une idée de mœurs barbares se mêle à un sentiment évangélique. Tel est, par exemple, le chant de Karine :

« La petite Karine servait dans la demeure d’un jeune roi. Elle brillait comme une étoile entre toutes les jeunes filles.

Elle brillait comme une étoile entre les jeunes filles. Le roi l’appelle et lui dit :

Écoute, Karine, veux-tu être à moi ? je te donnerai des chevaux pommelés et des selles d’or.

— Les chevaux pommelés et les selles d’or ne me conviennent pas. Donne-les à ta jeune reine, et laisse-moi mon honneur.