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ŒUVRES D'HISTOIRE NATURELLE DE GOËTHE.

Que sont toutes ces vaines imaginations en présence de la vérité elle même, découverte après tant de labeurs ? Cet Olympe d’où descendait la foudre, ces brouillards de la terre pris pour la région éthérée, ce bleu céleste où l’on voyait une muraille immobile et solide, tout cela s’est dissipé comme une erreur, comme un songe des premiers hommes. L’espace infini s’est ouvert, sinon aux regards, du moins à la pensée ; la terre, humble planète, a pris son rang autour de son splendide soleil ; ce soleil lui-même, vu à sa véritable distance, n’a plus été qu’une étoile perdue au milieu des innombrables étoiles ; et l’homme, du seuil de sa terre si petite, a pu contempler les mondes, fuyant comme une troupe d’oiseaux, d’un vol infatigable, sans terme et sans relâche, et déployant dans les espaces déserts leurs ailes lumineuses.

Dans l’étroite enceinte de la terre elle-même, l’immensité de la nature et la faiblesse de l’imagination humaine n’éclatent pas moins. Des contes antiques ont été transmis sur des animaux bizarres, des sirènes, des hippogriffes, des hydres à cent têtes ; les artistes ont reproduit, sur la pierre ou sur la toile, ces conceptions fabuleuses, et les poètes, interprètes, de leur côté, des croyances populaires, ont multiplié ces formes sans nom qui habitaient les enfers qui hantaient les cavernes sombres, et que la magie évoquait pour ses opérations funèbres. Qu’est-ce encore que tout cela à côté de cette multitude d’êtres divers que la nature a jetés sur la terre, dans la mer, dans les airs ? Passez-les rapidement en revue, faites-les tous comparaître depuis l’éléphant massif jusqu’à l’écureuil agile, depuis l’aigle carnassière jusqu’au colibri, depuis l’énorme baleine jusqu’aux plus petits habitans des lacs et des rivières ; voyez-les se mouvoir avec des pieds, sans pieds, avec des ailes, avec des nageoires ; écoutez le bourdonnement confus de ces innombrables insectes qui pullulent de toutes parts ; contemplez ces incroyables transformations qui, d’une chenille, produisent un brillant papillon ; munissez votre œil d’un microscope, et reconnaissez un nombre infini d’êtres que leur petitesse dérobait à vos regards, mais n’a point soustraits à la merveilleuse protection de la nature ; enfin si ce n’est assez de cette multitude de formes vivantes et d’organisations, évoquez les fantômes des animaux détruits dont les dépouilles sont ensevelies dans les décombres de notre globe ; reconstituez l’énorme dinotherium avec ses deux défenses qui, implantées dans la mâchoire inférieure sont dirigées vers la terre, structure anatomique qui n’a plus d’analogue parmi les espèces actuelles ; faites voler dans