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REVUE. — CHRONIQUE.

recherches historiques sur ce qui se passait dans l’ancienne monarchie, pour en tirer des argumens favorables ou contraires à ce qui se pratique aujourd’hui. Pourquoi donc tant de bruit ? S’il y a eu des abus dans les transactions dont les charges ont été l’objet, la magistrature n’est-elle pas là pour les réprimer ? Tous les traités ne doivent-ils pas passer sous les yeux de l’autorité judiciaire ? Pour tout ce qui concerne les offices ministériels, le garde-des-sceaux n’est-il pas juge en dernier ressort ? La législation et la pratique actuelles suffisent donc à la répression des abus, et il n’y a aucune raison de toucher aux bases mêmes des lois en vigueur. C’est en 1816 que la restauration assura aux possesseurs de charges la faculté de les transmettre. La loi de finances du 28 avril 1816 apurait le passé, régularisait le présent, pourvoyait à l’avenir. Elle contenait le budget de 1814, celui de 1815, l’acquittement de l’arriéré, établissait le budget de 1816, modifiait, pour les augmenter, les droits d’enregistrement, d’hypothèque, de timbre, statuait sur les traitemens et le cumul, régularisait l’existence de la caisse d’amortissement, exigeait de plusieurs comptables du Trésor et des officiers ministériels un supplément de cautionnement, et, par compensation, stipulait en faveur de ces derniers ce qui suit : « Les avocats à la cour de cassation, notaires, avoués, greffiers, huissiers, agens de change, courtiers, commissaires-priseurs, pourront présenter à l’agrément du roi des successeurs, pourvu qu’ils réunissent les qualités exigées par les lois. Cette faculté n’aura pas lieu pour les titulaires destitués. Il sera statué par une loi particulière sur l’exécution de cette disposition et sur les moyens d’en faire jouir les héritiers ou ayant cause desdits officiers. Cette faculté de présenter des successeurs ne déroge point au surplus au droit du roi de réduire le nombre desdits fonctionnaires, notamment celui des notaires, dans les cas prévus par la loi du 25 ventôse an XI sur le notariat. » (art. 91 de la loi de finances du 28 avril 1816.) La restauration ne pouvait rien faire de plus favorable aux classes moyennes, à la démocratie bourgeoise, que de créer ainsi une nouvelle espèce de propriété. Un journal de l’opposition a prononcé le mot de fief industriel ; il ne s’est pas aperçu que sa réprobation étourdie tombait sur un des élémens de la richesse démocratique. Il peut être nécessaire de faire une loi réglementaire de la faculté de transmission accordée par l’article 91, comme l’ont demandé quelques pétitionnaires à la chambre des pairs. Un tel projet présenté aux chambres n’aurait aucun inconvénient, puisqu’il mettrait à côté de la répression des abus la reconnaissance expresse des droits et des intérêts légitimes.

Les dernières nominations enregistrées par le Moniteur montrent combien le ministère s’attache à tenir la balance égale entre les deux anciens partis de la chambre. Il réintègre M. Persil, il nomme M. Mottet. Mais ce petit jeu de bascule n’est pas toujours facile. Le cabinet soutiendra-t-il dans sa réélection M. Tournouër, nommé récemment conseiller-d’état ? pourra-t-il refuser son appui à son concurrent, M. Muteau, qui faisait partie des 213 ? Chaque nomination devient un embarras, parce qu’on y cherche toujours un sens politique.