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prêches quelconques publics ou privés, ou il bornerait l’interdiction aux prêches publics, ou enfin, de concert avec tous les états et ordres de l’empire, il en prononcerait une absolue et sans restrictions. Devrait-on résister ? De quelle manière et jusqu’où ?

Une consultation présentée à l’électeur par ses théologiens portait que, dans tous les cas, il fallait se soumettre ; qu’à la vérité ce serait l’obéissance de prisonniers qui ne peuvent pas résister, mais qu’il valait mieux s’y résigner, la ville étant à l’empereur, que de montrer qu’on se défiait de la cause ; qu’à cet égard, ni prières ni menaces ne devaient déterminer l’électeur à quitter Augsbourg avant d’avoir fait connaître la profession de foi saxonne à l’empereur et à l’empire.

Cette consultation, où l’on reconnaît la marque de Luther dans la recommandation de ne laisser soupçonner à aucun prix qu’on se défie de la cause, avait été rédigée par Mélancthon. C’est lui qu’on avait chargé de dresser toutes les délibérations des théologiens saxons sur les questions subsidiaires qui s’agitaient, et généralement sur toutes les décisions que pouvaient rendre nécessaires les dispositions présumées de Charles-Quint. Et comme toutes ces délibérations étaient communiquées à tous les adhérens de l’église saxonne, lesquels formaient la majorité du parti protestant, de fait Mélancthon était la plume et le négociateur de ce parti. Il servait de lien entre les princes et les états confédérés, que distinguaient et que pouvaient séparer dans l’occasion des caractères et des intérêts très divers, aussi bien qu’entre leurs théologiens, non moins partagés, et qu’il fallait ménager pour ne pas les précipiter vers les partis extrêmes. La plupart n’y étaient que trop portés, d’abord parce que la discipline était plus relâchée et les amours-propres moins contraints ; ensuite parce qu’en s’éloignant de Luther et en l’exagérant, chacun croyait faire dater de soi la vraie réforme ou en marquer une des phases. Mélancthon pouvait seul sauver la doctrine des mains de tant d’amis qui l’eussent déchirée et mise en pièces pour en attirer à eux l’interprétation officielle et le gouvernement. Il y mettait d’ailleurs tant de modestie, qu’on adhérait volontiers à des éclaircissemens qu’il ne donnait ni comme son invention, ni comme un secret.

Dans l’intervalle, il préparait cette confession, dont le fonds avait été arrêté à Cobourg entre Luther et les autres théologiens de l’électeur. Depuis lors, il avait fallu la refondre et l’éclaircir, afin de la faire accepter de toutes les nuances de la réforme. La tâche était immense. Il fallait une rédaction nette et sans équivoque, car Mélancthon n’eût pas consenti à prêter sa plume à une œuvre de sophisterie