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MÉLANCTHON.

Mélancthon fut chargé d’appeler un médecin de Wittemberg. « Il a fallu faire tant de hâte, écrit-il à Sturz, docteur en médecine, qu’on n’en a pu confier qu’à moi la commission. » L’aveu est charmant ; on l’employait à tout.

Au premier aspect, il semblait facile de rassembler tous les textes à l’appui de la confession. Mais un choix ne pouvait être fait sans discussion, et la discussion, en rouvrant la carrière aux dissidences, pouvait rompre la ligue. Les politiques, et le landgrave de Hesse en particulier, firent avorter ces débats dès les premières paroles. Mélancthon se trompe en accusant cette conduite de timidité. Ce n’était qu’habile et prudent de la part d’un prince beaucoup plus occupé d’émanciper l’Allemagne de l’empire que de mettre sa conscience en paix sur des articles de foi. Toutefois, pour que les théologiens ne restassent pas inactifs, on leur ordonna de préparer une déclaration de foi sur le pape.

Mélancthon en fut chargé, comme de tout le reste. Il fit un écrit, « plus âpre qu’il n’est dans ses habitudes, » écrit-il à Jonas, « modéré, » selon sa lettre à Camérarius ; contradiction qu’expliquent ses alternatives d’animosité passagère contre les catholiques et de sollicitude pour le maintien de la paix. Dans cet écrit, il attaquait l’infaillibilité du pape, et ne reconnaissait les évêques qu’autant qu’ils s’accommoderaient de la nouvelle doctrine. Il demandait que les biens ecclésiastiques fussent employés à l’entretien des ministres de l’Évangile, à fonder des écoles, à nourrir les pauvres, à faire les frais d’une justice particulière chargée de régler les questions si diverses et si délicates que soulevaient les mariages, et dont la décision avait appartenu jusqu’alors aux évêques. Ce dernier point était une des plus grandes affaires des réformateurs. Ils donnaient sur tous les mariages mal contractés, sur les divorces, sur les cas de bigamie, des jugemens généralement équitables, mais pleins de périls, comme toute règle qui ne se forme qu’au fur et à mesure des exceptions.

Mélancthon supportait avec peine le séjour de Smalcalde. Outre la confusion des affaires, et ces ajournemens qui blessaient sa sincérité sans alléger ses travaux, il se plaignait de l’incommodité des auberges, et de n’avoir pour toute boisson que « des vins sulfureux de France. » Jouant sur les mots, il ajoutait : « Ces forges de Vulcain sont pleines non-seulement de fumée, mais d’illusion[1]. »

L’assemblée se sépara après s’être contentée, en ce qui regardait

  1. Non solum fumi sed fuci, etc., no 1528,