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UNE RUELLE POÉTIQUE.

raliste avec Mme Des Houlières, a parlé d’elle plus d’une fois et assez bien. Mais, puisque nous en sommes à ce qui est fini, il est une femme poète, plutôt nommée que lue, qui me paraît à certains égards de l’école dont j’ai parlé, et en reproduire qualités et défauts, avec la différence des époques, Mme Dufrenoy.

La différence est d’abord dans la distance même qui sépare la fin du XVIIIe siècle et le XVIIe. Les contemporains de Mme Dufrenoy crurent que c’était pour celle-ci un avantage, et qu’elle allait être classique plus sûrement. M. Jay a écrit dans des Observations sur elle et sur ses œuvres : « Supérieure sous tous les rapports à Mme Des Houlières, mais ne devant peut-être cette supériorité qu’à l’influence des grands spectacles dont elle fut témoin et dont elle reçut les impressions, elle a conquis une palme immortelle… » L’originalité poétique de Mme Dufrenoy (si on lui en trouve) n’est pas dans les chants consacrés à des évènemens publics, mais dans la simple expression de ses sentimens tendres. Béranger y songeait surtout, quand il a dit :

Veille, ma Lampe, veille encore,
Je lis les vers de Dufrenoy.

De bonne heure, le maître habile qu’elle eut, comme Mme Des Houlières, Hesnault, la détourna des graves poèmes et lui indiqua son sentier :

Aimer, toujours aimer, voilà ton énergie.

Chez elle, dans ses élégies, plus de petits moutons ni de bergère Célimène ; il était moins besoin de travestissement : c’est de l’amour après Parny ; Boufflers a déjà chanté le cœur ; le positif enfin se découvre tout à nu. Je remarque dans le style quelque chose de précis, pas plus d’imagination et bien moins d’esprit que chez Mme Des Houlières. Mais le goût d’un jour, la manière, est-elle pour cela absente ? Quand l’amante poète nous dit :

Arrangeons ce nœud, la parure
Ne messied point au sentiment,

pompon pour pompon, n’est-ce pas un peu comme à l’hôtel Rambouillet ? Les premières élégies de Mme Dufrenoy commencèrent de paraître dans les recueils poétiques aux environs de 89. Si on en compare le texte à celui des dernières éditions, on est frappé des différences. Elle-même avait pu assister déjà au changement de couleur de ses rubans, et elle essayait de les reteindre. Si on lit dans l’Almanach des Muses de 1790, la pièce qui a pour titre le Pouvoir d’un Amant :