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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

famille politique n’existe pas. Du mode seul de sa formation provient donc une impuissance destinée à engendrer, pour la royauté, des dangers formidables, si la pairie, lassée d’un rôle peu fait pour elle, osait jamais tenter d’en prendre un autre.

Comment s’étonner des résultats sortis de la conception bâtarde de 1831 ? Comment n’avoir pas compris que le cabinet de cette époque, qui sacrifiait à regret l’hérédité à des impossibilités par lui estimées passagères, n’entendait donner à la pairie qu’une organisation transitoire pour lui ménager tous les bénéfices de l’avenir ? N’est-il pas aussi contraire à la théorie qu’au bon sens de faire émaner un pouvoir politique d’un autre, lorsqu’on aspire à équilibrer des pouvoirs entre eux ? Une telle combinaison n’annule-t-elle pas, dans les circonstances ordinaires, tout le bénéfice que la royauté peut attendre d’une chambre haute, en même temps qu’elle exposerait la chambre élective à se voir constitutionnellement anéantie par une royauté puissante, si des circonstances exceptionnelles rendaient jamais à celle-ci une force inattendue ?

Lorsque la couronne institue des magistrats pour tous les tribunaux du royaume, personne n’a l’idée de contester sa parfaite compétence dans cette partie de ses attributions ; car on sait que la royauté, ou le pouvoir ministériel agissant sous son nom, ne comprend pas la justice autrement que le pays lui-même, qu’elle a tout intérêt à vouloir des magistrats probes, éclairés, diligens. De plus, en rendant ceux-ci inamovibles, la loi les revêt, par respect pour le sacerdoce qu’ils exercent, de la plus haute prérogative qu’elle ait aujourd’hui mission de conférer. Des magistrats nommés à vie par la couronne, en dehors des passions de parti et des intrigues locales, reçoivent donc des garanties en quelque sorte surabondantes pour accomplir leur ministère ; ils sont dans les conditions les plus favorables pour fonder leur crédit dans l’opinion publique. Mais il n’en est pas ainsi pour un corps politique participant à la souveraineté. Il est évident que, si l’un des pouvoirs a seul mission d’en choisir les membres, il se gardera d’y faire entrer des adversaires de son système personnel, du moins en nombre suffisant pour en compromettre le succès. S’il y appelait quelques chefs d’opposition, pour les isoler de leurs amis, il devrait s’attendre à des refus aussi calculés qu’auraient pu l’être ses faveurs, et la force des choses le conduirait à circonscrire ses choix dans la sphère des hommes acquis déjà, par leurs convictions bien connues, à sa pensée politique. Une pairie nommée par la royauté ne saurait être qu’un pouvoir de reflet, qu’une doublure