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BONAVENTURE DESPERIERS.

solœcismes, des fautes, et la prononciation des paroles sotes et nouvelles, tout ainsi que voyés en nos tant plaisans badinages de France, et ce tout à gardefaite pour faire rire les assistans ? Je pren le cas que le comique faisant parler un yvroigne qui chancelle, un courroucé jusques à estre hors de sens, une folete chamberiere d’estrange païs, un vielhard tout blanc, tremblant, aie tout exprès pour le personnage mis ou plus ou moins de temps aus vers, de sorte qu’à ton aulne tu trouves un iambe en un trochaïque, ou un trochœe en un iambique, tu me viendras incontinant faire là du corrigeart, et gaster ce qui estoit bien ? Mau de pipe te bire. »

L’Espagnol dont il est question dans cette piquante et judicieuse diatribe, est certainement le Portugais Govea qui enseignait publiquement, à Lyon, pendant les deux dernières années de la vie de Desperiers, le Terentius pristino splendori restitutus, publié peu de temps après, et cette circonstance a toute la précision d’une date. Plusieurs autres passages des Discours marquent, en effet, qu’ils furent composés à Lyon, et vers la même époque. Mais ce qui les donne incontestablement à Desperiers, je le répète, c’est le style. Il n’y avait plus personne, et il n’y avait personne encore qui écrivît dans ce goût. La singulière dissertation sur la manière d’entoucher les lucs et guiternes, si bizarrement annexée à ces mélanges d’histoire et de haute littérature, est une preuve de plus. On sait déjà que cet art, qui était un des divertissemens favoris de Desperiers, avait contribué à ses succès. C’était donc à Desperiers qu’il appartenait d’en écrire. Et qui aurait pu le faire avec cette érudition facile et cette gaîté libertine qui le caractérise, si ce n’était Desperiers lui-même ? Les savans artistes, qui s’occupent des vicissitudes et des progrès de la facture instrumentale, diraient mieux que moi si Desperiers a contribué, comme je le pense, au perfectionnement de la guitare ; ce n’est pas là mon affaire. Ce que j’avais à cœur de démontrer, c’est qu’il a contribué au perfectionnement de la langue, et qu’il est fâcheux qu’une édition complète et bien soignée de ses Œuvres ait manqué jusqu’ici à notre bibliothèque classique. On y viendra, peut-être, quand la littérature du siècle, fatiguée de produire pour le lendemain, laissera quelques jours de relâche à nos presses. En attendant, il faut laisser passer les poésies rêveuses, les romans intimes et les feuilletons.

Les Nouvelles Récréations et joyeux Devis, de Desperiers, le dernier de ses ouvrages posthumes, dans l’ordre de publication, parurent à Lyon en 1558, petit in-4o, au même instant où paraissait à Paris,