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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

aucun besoin ; on peut croire seulement qu’appliqué par la restauration dans un esprit intelligent et libéral, il aurait contribué à détourner le péril qui sortit pour elle, et des choix menaçans amenés par la législation de 1817, et de la réaction dangereuse qui suivit ces choix eux-mêmes et que ceux-ci parurent justifier.

La loi du 5 février 1817, qui réunissait dans un seul collége départemental tous les électeurs à 300 francs, fut saluée par les classes moyennes comme leur triomphe définitif et le gage assuré de leur avénement politique. Vous savez assez que ce n’est point en cela que je la blâme ; mais en même temps qu’elle asseyait sa prépondérance, la bourgeoisie n’eût-elle pas sagement agi dans l’intérêt de cette prépondérance même, en prenant certaines précautions contre ses propres entraînemens, en ne mettant pas sur un coup de dé son avenir et celui de la France tout entière ? C’est ici qu’il est permis de douter de la pénétration politique des esprits absolus qui n’admirent au principe de la loi de 1817 ni une objection, ni une réserve ; c’est ici qu’on peut croire que les classes moyennes furent plus habiles à vaincre qu’à organiser leur victoire.

Vous vous rappelez quels résultats sortirent de l’application de cette loi fameuse, résultats tels que, deux années après sa promulgation, ses auteurs eux-mêmes en imploraient le changement comme condition essentielle du maintien de la monarchie. J’admets de grand cœur que de telles alarmes furent exagérées ; mais qui oserait contester qu’elles ne fussent sincères dans les plus pures consciences, dans les intelligences les plus élevées ? Quels amis de la royauté de 1830 ne trembleraient s’ils la voyaient jamais en butte à des tendances analogues à celles que manifestait devant la royauté de 1814 le mouvement électoral de 1819 ? Pense-t-on qu’il y eût habileté et prudence à compromettre ainsi la nation avec elle-même, à la livrer toute haletante à ses inspirations les plus irréfléchies, à ses entraînemens les plus passionnés ? Croit-on s’être fait une glorieuse place dans l’histoire parce qu’on a mis la royauté de cette époque dans le cas d’user de toutes ses ressources, de faire appel à tous les dévouemens, à tous les souvenirs, à toutes les inquiétudes, parce qu’on a provoqué par son imprévoyance la réaction qui bientôt après porta la droite aux affaires ?

Je pose le problème sans le résoudre, et me borne à rappeler sous quelles impressions toujours soudaines et parfois contradictoires fonctionna la législation électorale que la France avait appris à con-