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Ceux de leurs princes qui passaient pour lui être le plus contraires, n’avaient pas voulu se rendre à la diète, craignant, disaient-ils, les desseins violens, et pour que la guerre ne les surprît pas éloignés de leurs états. Charles-Quint entra en campagne dans l’automne de 1546.

On voulut d’abord l’arrêter par des négociations. L’électeur de Saxe prit l’avis de ses théologiens. L’opinion de Mélancthon ne pouvait pas être douteuse ; il conseilla la rupture de la ligue protestante, et que les princes s’engageassent à ne troubler aucun évêque dans son gouvernement, et à ne lui imposer aucune charge nouvelle. Il était trop tard. Déjà Charles-Quint était maître sur le Danube et sur le Rhin. Les villes de la Bavière et de la Souabe, Strasbourg, Francfort-sur-le-Mein, Augsbourg, avaient fait leur soumission. L’archevêque de Cologne, Hermann, l’ami de Mélancthon, abandonnait ses états à son successeur catholique.

Charles-Quint fut un moment arrêté par les troubles de Gênes, par le soulèvement de la Bohême et de la Moravie, et par la nouvelle qu’un traité allait être conclu entre François Ier et les luthériens. Mais, François étant mort au milieu de ses projets, l’empereur se remit en campagne, et, dès le mois d’avril 1547, il était maître sur l’Elbe comme sur le Danube et sur le Rhin. L’électeur de Saxe, Jean Frédéric, fut battu et pris devant Muhlberg. Sibylle de Clèves, sa femme, après avoir défendu en homme Wittemberg, se rendit à l’empereur pour prix d’une commutation de la peine de mort, à laquelle avait été condamné l’électeur, en une prison perpétuelle. Charles-Quint donna les états du prince déchu à Maurice, d’une autre branche de la famille de Saxe, qui s’était fait son allié pour dépouiller Frédéric. Quant au landgrave de Hesse, voyant la Saxe conquise, il se rendit sans combattre. L’empereur le condamna, comme l’électeur, à une détention perpétuelle. Après quelques mois à peine, il ne restait plus rien de la ligue protestante.

Pendant cette guerre, Mélancthon s’était retiré à Zerbst, petite ville du duché d’Anhalt. Il ressentait dans son cœur tous les maux qui désolaient l’Allemagne. Wittemberg était occupé par une garnison impériale. La guerre avait dispersé cette douce confrérie, comme il appelait l’académie ; la plupart des professeurs s’étaient exilés : ce qui restait de cet enseignement naguère si florissant, avait été transporté à Iéna par les fils de Maurice. Mélancthon n’y suivit pas les professeurs : il revint à Wittemberg, pleurer en secret son prince légitime et prier Dieu pour sa délivrance.

Cette victoire, à laquelle le pape avait contribué par ses deniers,