Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/384

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
380
REVUE DES DEUX MONDES.

plaisanteries. C’était un résumé de tous les articles soulevés par la réforme, et qui avaient été plutôt proposés qu’acceptés. Il ne satisfit personne, ni les protestans qui n’y voyaient plus que des ombres de leurs dogmes, ni les catholiques, quoiqu’on leur y eût laissé de quoi reprendre le tout.

Autour du vieux pape, les catholiques honnêtes s’indignèrent, disant que l’envoi d’un tel écrit insultait le saint-siége, et comparant Charles-Quint à Henri VIII. Mais le saint père ne s’en alarma point. Il prévit que ce moyen terme ne ferait, comme il arrive, qu’éloigner davantage ceux qu’il voulait rapprocher, et il se garda bien de désavouer avec éclat l’Intérim, pour n’y pas réconcilier les protestans. Il répondit vaguement à la prière qui lui avait été faite de l’examiner, et l’examina avec une lenteur calculée, pour lui laisser le temps de faire son effet.

L’empereur demeura quelque temps en Allemagne pour faire recevoir son livre. Il ne rencontra dans presque toutes les villes qu’une obéissance imparfaite et menaçante. L’ancien électeur de Saxe, Jean Frédéric, quoique prisonnier, et quoique Granvelle, au rapport de Sleidan[1], lui eût promis la liberté pour prix de son adhésion à l’Intérim, déclara que Dieu ni sa conscience ne lui permettaient d’y souscrire. Il y eut une petite ville qui supplia l’empereur de se contenter que les biens et les vies de ses citoyens fussent à lui, mais qu’il leur laissât leur conscience, ajoutant qu’il n’était pas de sa justice de leur faire accepter par force une confession de foi qu’il ne suivait pas lui-même[2]. Et, en effet, les doctrines imposées à l’Allemagne par Charles-Quint auraient été condamnées au feu dans ses états d’Espagne.

Bien que Charles eût défendu, sous les peines les plus sévères, d’écrire, d’enseigner et de prêcher contre l’Intérim, à peine eut-il quitté l’Allemagne, que le livre impérial fut assailli d’une multitude de réponses, tant protestantes que catholiques. Vainement Agricola, à qui Mélancthon avait paru au commencement un réformateur trop tiède, se mit à prêcher que l’Intérim ramenait l’âge d’or. On ne le crut pas, et on continua les attaques. Mélancthon lui-même, quoiqu’il n’en eût pas désapprouvé quelques articles, en fit des critiques qui faillirent lui coûter la liberté. L’empereur du moins le fit menacer, et il y eut un projet d’édit par lequel on devait appréhender Mélanc-

  1. Livre XXI.
  2. Fra Paolo, liv. III.