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blement au génie de Michel-Ange, qui le lisait sans cesse et offrit de lui élever un tombeau à ses frais. Combien on doit déplorer la perte de cet exemplaire de la Divine Comédie dont l’auteur du Jugement dernier avait couvert les marges de ses dessins ! Je regrette surtout l’Enfer ; je doute que la verve fougueuse et le dessin savamment tourmenté de Michel-Ange eussent pu rendre la suavité mélancolique du Purgatoire sans parler des visions inexprimables du Paradis. Mais si le nom de Michel-Ange ne rassure pas complètement sur le succès d’une pareille entreprise, que dire de la tentative de Pinelli, qui, pour avoir assez bien réussi à rendre, et encore d’une manière assez conventionnelle, les brigands des Abbruzzes, les paysans de la campagne romaine ou les portefaix du Transtevère, s’est cru appelé à dessiner l’histoire romaine, à traduire avec son crayon l’Arioste, le Tasse et Dante ? Qu’est-il arrivé ? Ses personnages ne sont jamais ni d’anciens Romains, ni des chevaliers, encore moins des habitans du monde invisible ; ce sont toujours des Transteverins, et des Transteverins de Pinelli.

Si l’on veut retrouver à Rome le génie de Dante dans de récentes peintures, il vaut mieux aller chercher près de Saint-Jean-de-Latran le casin solitaire, sur les murs duquel le prince Massimi a fait représenter, dans trois pièces différentes, des sujets tirés de Dante, de l’Arioste et du Tasse. Dante a été confié à Cornélius, l’Arioste à Schnor, le Tasse à Overbek, les trois plus célèbres noms de cette école de Munich, qui croit pouvoir remonter par une imitation savante à la naïveté du XVe siècle. Le talent des artistes allemands est plus certain que leur système. Quoi qu’il en soit, les fresques dont les sujets ont été empruntés à Dante m’ont paru les meilleures de celles qui décorent le casin Massimi. En effet, Dante convenait mieux que l’Arioste et le Tasse à une telle manière de traiter la peinture, lui empreint réellement de la candeur sublime du moyen âge, tandis que les deux autres, dans leurs récits enchanteurs, ne nous montrent pas la chevalerie primitive, mais une chevalerie de la renaissance, et qui n’est elle-même qu’une renaissance de la chevalerie.

Dante, disent les biographes, fut chargé par la république de diverses missions auprès de la cour de Naples ; mais on ne voit dans ses vers aucune trace de son séjour dans le midi de l’Italie.

Un mot sur le mont Cassin[1], où il avait probablement logé et

  1. Parad., c. XXII, 37.