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C’est ce que l’on n’est pas encore en mesure de dire relativement aux deux animaux. Pour la plante, on sait très positivement qu’elle s’avance fort loin vers l’est.

L’ibis, dans le Bengale, n’est point l’objet d’une attention particulière ; il est du nombre de ces êtres qui, n’étant considérés ni comme utiles, ni comme nuisibles, subsistent sans qu’on prenne aucun soin pour les propager ou pour les détruire. Il n’en est pas de même du mandjourou : c’est un animal très incommode qui se glisse dans les maisons, comme le font chez nous les rats et les souris, et qui a de plus que ces rongeurs l’inconvénient de répandre une odeur musquée très déplaisante, analogue à celle qu’exhalent les serpens et les caïmans de l’Amérique tropicale. Les Européens établis dans l’Inde le chassent tant qu’ils peuvent de leurs demeures, et, si les naturels ne le persécutent pas également, c’est seulement par suite de ce respect qu’ils ont pour tous les êtres vivans. Le lotus rose est au contraire pour les Hindous, comme il l’était pour les Égyptiens, un objet d’admiration et de respect. Son rôle dans les deux mythologies était-il le même ? C’est ce que l’on aurait intérêt à savoir, mais ce qu’on ignorera toujours, sans doute, parce qu’il n’est resté sur la religion de l’ancienne Égypte d’autres données que celles que nous ont fournies des étrangers, probablement très mal informés. Pour l’Inde, le cas est différent : les livres où furent exposées, dans les temps les plus reculés, les croyances de ce pays, sont parvenus jusqu’à nous, et, grace aux travaux de nos orientalistes, nous y pouvons puiser des renseignemens. Je donnerai donc ici ceux que contient sur le sujet qui nous occupe un de ces livres sacrés, sans prétendre d’ailleurs expliquer ce que je ne comprends pas moi-même, le sens mystérieux caché sous une légende en apparence fort ridicule.

Voici à peu près ce qu’on trouve dans le Siwa Purana :

Vishnou, avant de créer le monde, commença par produire une plante de lotus dont la tige était longue de plusieurs milliers de lieues. De la fleur, encore en bouton, procéda Brahma, qui, se livrant bientôt à de profondes réflexions sur ce qu’il était, et sur ce qu’avait pu être son origine, conclut à la fin qu’il devait sa naissance à la fleur du lotus. Il descendit alors le long de la tige, et continua à cheminer ainsi dans l’espoir d’atteindre jusqu’à la racine ; mais, après cent ans de marche, voyant qu’il n’y arrivait point, il revint sur ses pas, et monta pendant cent autres années. Il était encore loin de la fleur, quand Vishnou se fit voir. Bientôt une querelle s’engagea, et les