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LA TERREUR EN BRETAGNE.

pour chercher la serrure. Dans ce moment je m’élançai et je le saisis par les deux bras : il jeta un cri ; mais le citoyen Morillon, qui était accouru, lui imposa silence en lui mettant un pistolet sur la poitrine. Nous nous emparâmes de la clé qu’il tenait encore, et nous ouvrîmes sans difficulté la petite porte.

Nous venions d’entrer dans le jardin lorsque le syndic revint avec une trentaine de gardes nationaux. Nous les mîmes au fait en peu de mots, et, après avoir refermé derrière nous et laissé deux sentinelles, nous nous dirigeâmes vers le château. Arrivés au perron, nous trouvâmes la porte entr’ouverte comme à dessein. Le paysan parut stupéfait.

— Maintenant, attention, dit le citoyen Morillon, afin que personne ne puisse échapper ! Une douzaine d’hommes autour du château et feu sur tous ceux qui essaieront de fuir !

Ces dispositions prises, la lanterne sourde fut ouverte, et on alluma des torches. Alors le profond silence qui avait été observé fut rompu comme à un signal donné, et les gardes nationaux se répandirent bruyamment dans le château. Il y eut un moment d’inexprimable confusion. Le citoyen Morillon et le procureur-syndic couraient de chambre en chambre pour donner leurs ordres ; on n’entendait que pas précipités et cliquetis d’armes ; enfin un cri de triomphe s’éleva, suivi de plusieurs autres cris pareils. Peu après le juge de paix fut appelé, il monta, et je le suivis.

Je reconnus, en entrant, au milieu des gardes nationaux et des gendarmes, le citoyen de La Guyomarais, que j’avais vu plusieurs fois. Il était debout, appuyé à la cheminée, pâle, mais l’air hautain et dédaigneux. Près de lui se tenait une jeune femme accroupie et presque nue, serrant dans ses bras deux petits enfans dont elle semblait se voiler, et derrière eux, un vieillard aux pieds duquel on apercevait une épée brisée : c’étaient la citoyenne La Guyomarais et Micaut de Mainville, son père. Plus loin, dans l’ombre, il y avait encore deux hommes que je sus plus tard être un sieur Dampière et le précepteur des enfans.

Le juge de paix allait commencer à les interroger, lorsque des cris de joie se firent entendre de nouveau ; c’étaient trois autres prisonniers que l’on amenait. Les deux premiers furent reconnus sur-le-champ, l’un pour le médecin Taburet, l’autre pour un domestique de la maison. Quant au troisième, il déclara s’appeler Morel et être chirurgien.