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BROUSSAIS.

le représentant de cet effort nouveau et logique de la science ; et, comme il était entreprenant et absolu, il changea une tendance encore vague en révolution décidée, et des idées un peu confuses en système régulier.

Quel fut ce système de M. Broussais ? le voici : Haller avait fait ressortir la propriété qu’a la fibre musculaire de s’irriter et de se contracter. Cette irritabilité, qui selon M. Broussais était restée stérile dans la science, devint le point de départ de sa doctrine, le phénomène fondamental au moyen duquel il fit accomplir toutes les fonctions organiques, et il expliqua tous leurs désordres. Il établit donc sur ce phénomène sa physiologie, sa pathologie, sa thérapeutique, et même sa philosophie.

Il reconnut une force vitale qui présidait à la formation primitive des tissus du corps. Les tissus une fois formés, cette force pourvoyait à leur entretien par une chimie vivante. Celle-ci s’exécutait par l’entremise de l’irritabilité que les agens extérieurs tels que l’air, la lumière, le calorique, les alimens, mettaient en exercice, et qui provoquait de la part des organes l’accomplissement de leurs fonctions. Partout de même nature, mais inégalement répartie entre les divers tissus animés, cette irritabilité consistait dans un mouvement de contraction qui appelait les liquides humains sur le point excité où s’opéraient la nutrition et les actes de l’organe. Tant que sa distribution proportionnelle et son exercice régulier se conservaient, les phénomènes de la vie s’exécutaient avec une perfection et une harmonie qui constituaient la santé.

Mais si la stimulation des agens naturels devenait excessive ou défectueuse, si le poumon était trop excité par l’air, l’estomac par les alimens, le cerveau par les impressions des sens ou ses impulsions propres, si la quantité de calorique nécessaire au corps était dépassée, ou n’était pas atteinte, ou était inégalement distribuée, l’afflux des liquides surabondait dans les organes surexcités, leurs tissus s’engorgeaient et s’enflammaient, leur nutrition s’opérait mal, leurs fonctions étaient troublées, et la maladie succédait en eux à la santé. Cette excitation maladive ne différait pas de l’excitation régulière par sa nature, mais par sa quantité. Elle était en plus ou en moins. Lorsqu’elle était en plus, elle s’appelait, selon ses degrés, irritation, surirritation, inflammation ; lorsqu’elle était en moins, ce qui avait lieu rarement, d’après M. Broussais, elle se nommait ab-irritation. L’excès et la durée de l’irritation produisaient l’altération progressive des tissus de l’organe, et par cette altération prolongée, la mort.