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LA PEINTURE ET LA SCULPTURE EN ITALIE.

tandis qu’il travaillait au tombeau du pape Jules II, il entendit ses ouvriers qui se moquaient d’un de leurs compagnons. Celui-ci, en achevant d’équarrir un bloc de marbre et tout satisfait de la facilité avec laquelle il en faisait voler les éclats, prétendait qu’avec un peu de patience il serait tout aussi grand sculpteur qu’un autre, que le seigneur Buonarotti peut-être. Quelques-uns de ses camarades riaient de ses prétentions, d’autres s’en indignaient, regardant ses paroles comme autant de blasphèmes.

« Cet homme a raison, dit Michel-Ange d’un air fort grave, en s’approchant de l’ouvrier : je reconnais à sa manière de tailler le marbre, qu’il peut être aussi habile statuaire que moi ; il a besoin seulement de quelques conseils, et je vais les lui donner. »

En effet, tout en remontant sur ses échafauds et en se remettant à l’ouvrage, il crie à l’ouvrier d’enlever tel morceau du bloc de marbre qu’il a entre les mains, de pousser de ce côté le ciseau à telle profondeur, d’arrondir et de creuser telle partie, de laisser telle autre saillante. L’ouvrier fut conseillé ainsi tout le jour, et le soir, il arriva que notre manœuvre avait achevé une très belle ébauche.

« Eh bien ! vous voyez que cet homme avait raison, dit Michel-Ange à ses ouvriers émerveillés : quelques indications ont suffi pour développer son talent naturel ; maintenant, il peut faire son chemin. » L’ouvrier se jeta aux pieds du maître, en s’écriant. « Quelles obligations ne vous ai-je pas ! me voilà donc sculpteur ! » Le lendemain, il essaya de travailler seul, et il fut bien surpris de voir qu’il était resté tailleur de pierre comme auparavant.

En Italie, de nos jours, beaucoup de ces tailleurs de marbre qui se croient de grands sculpteurs, n’ont pas même reçu les conseils d’un homme de génie ; ceux qui sortent de ligne et qui, à tort ou à raison, paraissent plus sûrs de leur fait, ont étudié sous Thorwaldsen ou Canova, qui, l’un et l’autre, ont fait école, mais qui, en général, n’ont laissé que de médiocres élèves. L’école de Canova cherche le gracieux, celle de Thorwaldsen l’énergie. Pompeo Marchesi à Milan, Bartolini à Florence et Tenerani à Rome, sont les héritiers les plus directs du talent de ces deux premiers sculpteurs de l’époque. Finelli, l’auteur d’un fort joli groupe de l’Amour et de Psyché, et d’une statue de l’Archange Gabriel, le Florentin Ricci et Baruzzi, de Bologne, le gracieux sculpteur de Salmacis, ne viennent qu’après eux.

Pompeo Marchesi, le contemporain et l’imitateur de Canova, vit aujourd’hui sur son passé. Accablé d’honneurs, de commissions et de travaux de toute espèce, il en prend fort à son aise, ne travaille