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Découragé par ses défaites et par la conduite de ses alliés, forcé d’appliquer son attention et ses forces à soumettre et pacifier les provinces polonaises qui venaient de lui échoir en partage, sollicité enfin par ses ministres, par ses maîtresses, par l’affaissement de sa santé à se débarrasser des soucis d’une guerre dans laquelle il semblait se battre plutôt pour les intérêts de l’Autriche que pour les siens, Frédéric-Guillaume II fit sa paix avec la république par le traité qui fut signé à Bâle le 5 avril 1795, et embrassa un système d’impartiale neutralité.

Cette grande défection rompit le faisceau de la coalition. Tous les états qui y étaient entrés à contre-cœur s’empressèrent d’en sortir. Ceux qui étaient placés dans la sphère d’influence de la Prusse demandèrent à partager les bénéfices de son système. Un traité signé entre cette puissance et la France garantit la neutralité du nord de l’Allemagne et en détermina les limites. À dater de ce moment, le cabinet de Berlin rentra dans ses anciens erremens. Non-seulement on cessa d’être en guerre avec la France, mais on lui témoigna les plus grands égards : on prit vis-à-vis d’elle une attitude amicale ; on s’attacha à lui faire oublier les torts des dernières années et à la convaincre qu’on faisait des vœux ardens pour l’affermissement de son pouvoir en Europe et pour l’affaiblissement de l’Autriche. On fit plus : on sollicita ses faveurs ; on lui demanda de favoriser et de garantir l’extension de la puissance prussienne dans le nord de l’Allemagne ; on alla jusqu’à se montrer jaloux des avantages que nous pourrions faire à l’Autriche. La paix de Bâle n’avait fait que mettre un terme à la guerre entre les deux états. En vertu d’une convention signée le 5 août 1796, la Prusse reconnut le principe des sécularisations ecclésiastiques, et la France prit l’engagement formel de n’assurer à l’Autriche aucune extension de territoire en Allemagne ou en Italie, sans en assurer l’équivalent à la Prusse. Les communications les plus intimes et les plus secrètes s’établirent entre les deux états ; ils disposèrent éventuellement des dépouilles du clergé allemand. Invité par le directoire à préciser ses vœux, le cabinet prussien désigna les évêchés de Munster et de Paderborn comme formant le lot le plus convenable pour l’indemniser de ses duchés de Clèves et de Juliers. Lorsqu’il eut connaissance du traité de Campo-Formio, il ne nous cacha point son dépit de l’abandon des territoires considérables que nous avions cédés à l’Autriche, et il dit avec aigreur que les défaites de cette couronne lui étaient plus avantageuses que la victoire à d’autres.