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SAVANTES.

L’union commerciale allemande est une combinaison essentiellement pacifique et qui ne saurait s’adapter à un état de guerre générale. La paix continentale une fois détruite, tout ce merveilleux mécanisme serait bientôt bouleversé ; ce ne seraient plus les intérêts paisibles du commerce, mais les exigences et les passions de la politique, la crainte, l’ambition, la similitude et la dissemblance des principes de gouvernement qui détermineraient les inimitiés ou les alliances ; tous les états qui, par leurs conditions géographiques, ne font point partie intégrante du système politique de la Prusse, s’en détacheraient forcément, et elle n’aurait plus autour d’elle que les états que la nature a placés dans sa sphère d’action.

Tandis que cette puissance fondait l’association des douanes allemandes, elle stimulait, par une foule de créations et d’encouragemens, sa prospérité intérieure. Elle réduisait sa dette de 600,000,000 thalers à 170,000,000. Elle couvrait son territoire de routes et de canaux, rendait ses rivières navigables, creusait des ports, défrichait ses landes, favorisait l’établissement de nombreuses manufactures et parvenait, par ce concours d’efforts, à transformer en terres fertiles les sables arides du Brandebourg. De nombreux traités de commerce conclus avec le Danemark, l’Angleterre, la Suède, les villes anséatiques, Hambourg, Brême et Lubeck, le Brésil, les États-Unis d’Amérique et enfin la Hollande, ouvraient à l’activité industrielle et aux produits de la Prusse et de tous les membres de l’association de nombreux débouchés.

Il est fâcheux qu’une situation si honorable et si prospère ait été altérée par les querelles religieuses qui ont agité les dernières années de la vie du feu roi. Ce prince, en vieillissant, était tombé dans une dévotion fervente et mystique. Il avait une pensée fixe et ardente : c’était de ramener à l’unité du culte, de fondre dans une seule et même église évangélique toutes les sectes dissidentes, les calvinistes, les luthériens et les catholiques. Le zèle religieux servait ici l’intérêt politique. Le roi savait que l’identité de religion entre ses provinces rhénanes et la France était un lien puissant qui tendait à les réunir un jour, et ce lien il voulait le rompre. Cette préoccupation le rendit injuste et persécuteur ; elle le porta à écarter des affaires et des hautes fonctions de l’état tous les catholiques, et à ne confier qu’à des protestans l’administration militaire et civile de ses provinces catholiques. Ces fonctionnaires, presque tous prussiens d’origine, avaient pour instructions secrètes d’étendre et de propager dans la population catholique l’esprit du protestantisme et les doctrines évangéliques dont le roi s’était fait le fondateur et l’apôtre ; ils étaient en quelque