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ESPARTERO.

de Biscaye. On sait combien les premières années de la guerre civile furent désastreuses pour les troupes constitutionnelles : Espartero ne fut pas plus heureux que les autres chefs christinos. Entre autres échecs, il fut complètement battu par une des divisions de l’armée de Zumalacarreguy à la descente de Descarga, près de Villaréal. On ne cite guère de lui à cette époque qu’un engagement heureux contre Gomez en Galice. Il accrut néanmoins, en payant bravement de sa personne dans les occasions les plus périlleuses, sa juste réputation de bravoure, et devint successivement maréchal-de-camp et lieutenant-général. Tant que l’armée eut devant elle le héros carliste, Zumalacarreguy, elle fut impuissante contre l’insurrection, qui grandissait toujours. Un an même après la mort de ce terrible ennemi, survenue le 25 juin 1835, l’affreux désordre qu’il avait jeté dans ses rangs se prolongeait encore. Six généraux en chef, Saarslield, Quesada, Rodil, Valdès, Mina, Cordova, avaient successivement échoué ; l’indiscipline et la démoralisation étaient partout ; on pouvait dire que la reine n’avait plus d’armée. Quand arrivèrent les évènemens de la Granja, le général Cordova se hâta de résigner le commandement et de se retirer en France ; il n’y avait guère alors à l’armée, dans l’état de dissolution où elle était, qu’un seul général qui pût être mis à sa place : c’était Espartero. Un décret en date du 17 septembre 1836 le nomma général en chef de l’armée d’opérations du nord, vice-roi de Navarre et capitaine-général des provinces basques.

C’est ici le moment d’examiner la valeur militaire d’Espartero. À considérer les résultats, cette valeur est grande. D’une armée battue et presque détruite, il a fait une armée puissante et victorieuse ; il a terminé une guerre civile qui avait usé, avant lui, toutes les forces de l’Espagne constitutionnelle. On n’obtient pas de pareils succès sans avoir une portée réelle, mais il faut convenir aussi que les circonstances l’ont bien servi. Il est arrivé au moment où l’unité vigoureuse imprimée à l’insurrection par Zumalacarreguy commençait à se dissoudre ; les rivalités jalouses et les dissensions intestines du quartier royal de don Carlos ont été ses premiers auxiliaires. Il en a eu d’autres dans son propre parti, que n’avaient pas eus ses prédécesseurs. L’Espagne révolutionnaire n’avait pas voulu croire d’abord à la gravité de la révolte carliste ; elle s’était amusée à se passer toutes ses fantaisies politiques, sans trop s’inquiéter de la guerre civile, qu’elle espérait étouffer sans peine. Quand Espartero devint général en chef, cette illusion avait disparu ; on savait enfin que la grande affaire du gouvernement de la reine, c’était de tenir tête à don Carlos,