Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 23.djvu/585

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.



LE MARINO.

E del poeta il fin la mariviglia.
(Un poète n’a pas d’autre but que d’étonner.)
Giambattista Marino.

Le 12 juin 1624, un cavalier fort maigre entrait dans la ville de Naples. Autour de lui bondissaient des lazzaroni noirs et haletans qui semaient les roses de Pæstum sous les pas de son coursier. Accompagné par des gentilshommes à pied qui, le chapeau à la main, le front nu sous l’ardent soleil, encourageaient l’ivresse populaire, il s’arrêtait fréquemment sous les balcons, d’où tombaient sur sa face ridée une pluie de fleurs, mille bénédictions confuses et mille éclairs enthousiastes lancés par des regards espagnols et napolitains. Quel triomphateur fut jamais ridicule ? Celui-ci avait près de six pieds de haut, la mine longue et hâve, le cheveu rare et ébouriffé, l’œil distrait et égaré, le menton pointu, le nez petit, le teint plombé, la taille excessivement déliée, et les jambes d’une forme et d’une dimension très menues. Ce long cavalier, vêtu d’habits magnifiques assez mal ajustés, et qui portait une grande chaîne d’or pendue à son cou, saluait à droite et à gauche d’un air content et distrait, pendant que les baise-mains lui arrivaient de toutes parts, du fond des carrosses, du porche des églises et du sommet des terrasses.

Le cheval du triomphateur était précédé par un jeune homme qui