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POMPEÏ.

celui des fresques proprement dites, qui brillent davantage par la couleur, encore vive et belle dans la plupart. Les paysages et les marines sont précieux par les détails qu’ils rappellent. La perspective y est assez exacte, quoiqu’un peu comprise à la manière de celle des Chinois, dont il ne faut pas regarder les ouvrages horizontalement, mais de haut en bas, comme si le spectateur était élevé sur une éminence. Les animaux, les fruits, les fleurs, sont finement touchés, et retracés avec une grande exactitude. Quant aux arabesques, ce sont absolument celles que l’on imite encore partout, c’est-à-dire ces petits dessins légers et capricieux où s’ajustent, se mêlent, et s’entrelacent mille objets réels ou composés[1]. Enfin les caricatures, assez comiques même à présent, sont formées de ces petits personnages que nous nommons grotesques, dont la tête est énorme, le corps moindre, les extrémités très petites. Nos artistes qui, les premiers, firent en ce genre des dessins ou des statuettes, croyaient peut-être inventer quelque chose ; ils ne faisaient que copier les anciens. Cependant il est bon de leur remettre en mémoire un point qu’ils ont oublié. Souvent, dans ces grotesques de Pompeï, les jambes et les bras sont inachevés, de façon que les personnages ont l’air de marcher sur des pieux, et d’avoir pour bras des nageoires, ce qui les rend encore plus ridicules et plus comiques.

Mais de tous ces débris de l’art antique, de tous ces trésors exhumés des cendres de Pompeï, le morceau capital est assurément la grande mosaïque découverte en 1831, par M. Bianchi, dans la maison dite du Faune, parce qu’on y trouva aussi, sur un piédestal du jardin, cet admirable petit Faune dansant, gloire et bijou de la salle des bronzes. Cette mosaïque est, sans contredit, le plus curieux, le plus complet, le plus magnifique fragment qui nous soit resté de la peinture des anciens ; je dis de la peinture, car elle ne peut être que la copie d’un tableau, et probablement celle d’un des tableaux grecs portés à Rome après la conquête. Elle est pour nous ce que seront peut-être, dans les âges futurs, ces étonnantes mosaïques qui rem-

  1. Les arabesques reçurent d’abord le nom de grotesques, en Italie du moins. Lorsqu’en faisant des excavations dans l’église de San-Pietro-in-Vincula, sous Léon X, on découvrit les ruines du palais de Titus, les ornemens de peinture trouvés intacts furent nommés, parce qu’on les tirait des grottes, groteschi. Un élève de Raphaël, Giovanni d’Udina, ayant découvert un moyen d’imiter le stuc ancien avec du marbre pilé mêlé de chaux et de térébenthine blanche, mit à la mode ce genre de fresques, dont Raphaël lui-même fit usage dans les loges et les galeries du Vatican.