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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

vais voir si votre père est éveillé… Nous causerons demain. — Ce mari italien est si froidement jaloux, si amèrement aimable, qu’on peut le croire capable de tout, même de battre sa femme dans un moment d’humeur. La dévote Christine est bien la digne sœur de Fulgence ; elle calcule comme lui, mais dans un but différent. Fulgence, au fond, veut le bien, sa sœur veut le mal et ne cherche qu’à nuire ; à cet effet, elle écoute aux portes, dénonce, calomnie, envenime les actions les plus innocentes. Ce caractère est trop noir pour être plaisant, il impatiente trop pour que l’on songe à s’en moquer.

Veut-on maintenant avoir une idée des mœurs délicates des personnages secondaires de la comédie de Nota, de Flamminia, la femme galante, de Filucca, le ci-devant jeune homme, du poète Raymond ? L’extrait suivant de quelques scènes du quatrième acte nous les fera connaître. Le lieutenant Guillaume, ne pouvant mener Camille au bal, comme il l’espérait, y a conduit Flamminia. Camille, qui accompagne son mari, les rencontre et les examine.

— Ce masque vous a remarqué avec attention, dit Flamminia au lieutenant. — C’est quelque belle qui cherche fortune. Voulez-vous que nous prenions du café ? — Je préfère du rosolio. — Garçons, du café et du rosolio. — Vous ne me parlez pas de Camille ; elle doit être furieuse de ne pas venir à ce bal ? — Je le crois volontiers, la pauvre femme ! — Cette conversation vous est peut-être désagréable ? — Pourquoi donc ? pensez-vous, par hasard, que je sois amoureux de Camille ? — Elle meurt d’amour pour vous, chacun le sait et le dit. — Je ne puis l’empêcher d’avoir de l’inclination pour moi, mais cela me touche peu : elle est si jeune, si gauche, elle a si peu d’esprit et de grace. Un petit nombre de femmes, chère Flamminia, ont le bonheur de vous ressembler. — Cependant, sans la défense de son mari vous l’auriez accompagnée ce soir, ingrat que vous êtes ! — Vous êtes bien injuste, car la vérité est que j’avais déclaré à donna Camille que je vous avais promis mon bras pour ce soir. (À part.) Mentir avec les femmes, c’est leur rendre la monnaie de leur pièce. — … Ce rosolio ne vaut rien. — Ce qu’on prend au théâtre est rarement bon… Voulez-vous que nous retournions dans la salle du bal ? — Non, j’aime mieux faire un tour dans le salon de la Redoute. — Pour jouer, peut-être ? — Vous avez deviné ; je suis masquée, et je profiterai de l’occasion pour risquer quelques sequins. — La joueuse ! je ne suis pas surpris qu’elle ait ruiné son mari. — Vous ne venez pas avec moi ? — Je ne veux pas jouer. Je vais re-