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LE TOMBEAU DE NAPOLÉON.

historiens, en décrivant les sépultures des rois d’Asie, celle de Mausole à Halicarnasse, celle d’Alyates, le père de Crésus, nous parlent de dimensions tellement extraordinaires, qu’on ne pourrait y croire, si les pyramides d’Égypte n’étaient pas là pour rendre tout vraisemblable. En Italie, long-temps avant la grandeur de Rome, nous voyons un roi d’Étrurie, Porsenna, se bâtir un tombeau dont le soubassement renfermait un labyrinthe aussi grand que celui de Crète, et dont les étages supérieurs étaient surmontés de je ne sais combien de pyramides plus élevées les unes que les autres. À Rome, enfin, les tombeaux des empereurs n’étaient-ils pas de véritables forteresses, des tours énormes, témoins cette grande masse du château Saint-Ange, qui n’est que l’ancienne base du mausolée d’Adrien, et cette autre vaste construction circulaire non loin de Porto Ripetta, qu’on nomme le tombeau d’Auguste ? Au-dessus de ces piédestaux immenses s’élevaient une succession de terrasses, et sur chacune de ces terrasses des jardins, des colonnades, des statues, puis enfin, au sommet de cette masse pyramidale, le quadrige de l’empereur. Tel était aussi le fameux Septizonium, énorme construction à sept étages, ainsi que l’indique son nom, que Septime-Sévère consacra de son vivant à sa propre mémoire.

Et ce n’étaient pas seulement les empereurs qui faisaient de leurs tombeaux des édifices ; on voyait les simples citoyens se bâtir à l’envi des maisons mortuaires aussi belles, aussi grandes que les palais qu’ils habitaient. La plupart étaient placés entre les bords du Tibre et la voie Flaminienne. Aussi le voyageur qui entrait par la porte du Peuple s’étonnait de trouver Rome déserte et silencieuse ; il parcourait de longues rues bordées de splendides monumens ; il se croyait dans Rome, dans la ville des vivans, il n’était encore que dans celle des morts. N’est-il pas étrange que dans tout ce quartier on ne trouve aujourd’hui d’autre trace de ces grands tombeaux que le soubassement de celui d’Auguste ? Mais, hors la ville, le sépulcre d’Albano, celui de la famille Plautia, près de Tivoli, l’admirable tour de Cecilia Metella, et dans l’intérieur des remparts cette pyramide de Caïus Cestius, si finement décorée au dedans, si belle et si imposante au dehors, nous apprennent, mieux encore que Pline et tous les historiens, ce que devaient être chez les Romains les sépultures des familles, même plébéiennes. Il n’y eut pas jusqu’au barbier d’Auguste, Licinius, qui se fit construire un tombeau magnifique. On connaît le distique de Varron :

Marmoreo Licinius tumulo jacet