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se distingue point, comme l’œuvre de mistriss Brooke, par la témérité des inventions et la fureur poétique de la diction, mais par la sévérité, la correction, l’habileté de la versification. Il serait facile d’extraire des œuvres de toutes les dames ou demoiselles poètes que nous avons nommées un petit volume assez agréable, un album poétique, qui ne serait ni sans distinction, ni sans charme. Mais Mme Norton et Mme Brooke possèdent seules la haute inspiration poétique ; exubérante, diffuse, et peu réglée dans Zophiel, elle se montre mélancolique jusqu’au désespoir, mais soumise à une exécution très correcte, dans le nouveau volume publié par Mme Norton. L’une procède de Southey, l’autre est fille légitime de lord Byron.

Ainsi, dans presque toutes les routes littéraires, même dans la poésie, rien d’original : imitation, obéissance, souvent servilité. La classe des ouvrages utiles a produit des recueils de documens qui offrent de l’intérêt : les Dépêches de lord Wellington, la Correspondance de Wilberforce, le journal et les Lettres de sir Samuel Romilly, l’un des plus honnêtes et des plus réellement philanthropes entre les hommes politiques de ces derniers temps. Mais les vingt volumes dont se composent les trois ouvrages que je cite se réduiraient, sous une main prudente, à trois volumes précieux. L’art de concentrer les faits et la pensée, de composer un livre, d’extraire le suc et la quintessence d’une correspondance ou d’un journal, n’a pas avancé beaucoup en Angleterre ; c’est à Londres et dans les États-Unis que l’on abuse le plus étrangement du droit de tout imprimer ; c’est là que le papier, maculé d’interminables minuties, prend la forme d’in-octavos qui se vendent fort cher. Un éditeur a fait paraître, il y a peu de temps, le Journal de l’antiquaire Thoresby, contemporain de Jacques II et de Guillaume III. Ce sont quatre volumes de quatre cents pages chacun, et qui, pour tout intérêt historique, nous apprennent la succession des déjeuners de Thoresby et le verset des sermons qu’il a entendus ; car il était gastronome, économe, antiquaire et pieux. Le Journal de Wilbeforce contient une foule de pages chargées de détails semblables aux détails suivans : « 1er novembre, à quatre heures, j’ai vu Pitt et Elliot ; j’ai dîné, je me suis couché ; — 2 novembre, Pitt est resté chez moi toute la journée ; 3 novembre, Elliot et Pitt ont dîné chez moi… » et ainsi de suite pendant vingt pages. L’Histoire des Stuarts, par Jesse, et l’Histoire d’Écosse, par Tytler, s’isolent, par des mérites particuliers, de ces compilations qu’un scrupule outré a remplies de poussière stérile. Le premier de ces ouvrages est un recueil d’anecdotes habilement