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REVUE. — CHRONIQUE.

directeurs de la politique du 29 octobre nous fait espérer que les droits de la France ne seront pas méconnus, que son honneur et sa dignité seront rigidement maintenus. « Rien d’important (a dit celui qui fut l’adversaire du maréchal Soult dans les plaines de Toulouse), rien d’important ne peut s’accomplir en Europe sans la coopération de la France, à moins d’amener une conflagration générale. » Nul ne peut vouloir en France être moins français que le duc de Wellington.

Ce que tout homme sensé et convaincu comme nous de la loyauté et de la dignité de la nouvelle politique peut, sans crainte d’erreur, affirmer dès cette heure, c’est que les différences entre le 1er mars et le 29 octobre, à l’endroit de la politique extérieure de l’Orient, ne porteront pas sur le but, mais uniquement sur les moyens. On croira probablement que le but peut être atteint sans pousser plus loin, pour le moment, nos démonstrations militaires, nos levées d’hommes, nos dépenses extraordinaires ; qu’il suffit d’achever et d’organiser ce qui a été commencé, sans y ajouter immédiatement de nouveaux efforts ; que les puissances ne veulent pas nous endormir pour nous prendre ensuite au dépourvu lorsque le moment d’un éclat décisif sera arrivé, au printemps prochain ; qu’elles ont le désir sincère de renouer avec nous, et que ce désir leur est commun à toutes, car si la Russie ou l’Angleterre ne l’avaient pas, à quoi serviraient les phrases entortillées, le langage aigre-doux de Vienne et de Berlin, de deux cabinets qui évidemment n’ont plus la possession d’eux mêmes ? Peut-être a-t-on pensé que ces dispositions pacifiques pourraient, si elles étaient réelles, amener plus promptement un arrangement honorable avec un cabinet nouveau ; peut-être aussi s’est-on laissé dire qu’un cabinet s’appuyant sur la gauche, sur la gauche dont le langage est souvent si vif, et dont le respect pour les traités de 1815 n’est pas très-profond, est moins heureusement placé pour traiter avec avantage, et pour conclure une paix qui soit honorable pour tous, qu’un cabinet conservateur, s’appuyant sur la droite dont le langage a toujours été modéré, conciliateur, pacifique.

Nous ne voulons pas rechercher aujourd’hui ce qu’il peut y avoir de plausible et de hasardé, de vrai et d’exagéré dans ces conjectures et dans ces moyens. Avant de les discuter, il importe de connaître au juste la pensée du cabinet, cette pensée que sans doute il va nous révéler tout entière dans le discours de la couronne, ainsi que le 1er mars avait voulu nous faire connaître la sienne en chargeant M. de Rémusat de donner, avec son style net, spirituel et précis, un résumé fidèle et lucide, l’expression pratique, de la politique du 8 octobre.

Dans tous les cas, il ne peut échapper aux membres du nouveau cabinet quelle énorme différence il y a, même au point de vue de la responsabilité ministérielle, entre une politique qui, sans discontinuer les armemens, se montre toute disposée à traiter, et une politique qui, pour se montrer disposée à traiter, n’armerait pas. La seconde peut, il est vrai, épargner de grosses sommes au pays ; mais si elle venait à échouer ! Cette politique ménagère est condamnée au succès, car malheur au pays si elle échoue ! Il