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qui s’attache à la vérité compensera peut-être ce qui nous manque comme effet dramatique.

Commençons d’abord par constater un fait, c’est que l’expédition de 1836, malgré tout le bruit qu’elle a fait avec raison, n’a pas réussi. Gomez avait un but ; il ne l’a pas atteint. Pendant que l’on admirait le plus dans le monde la promptitude et l’habileté de ses mouvemens, il était vivement blâmé au quartier-général de don Carlos, et à son retour dans les provinces basques, il était arrêté, jeté en prison et traduit devant un conseil de guerre. De même que les momens où les généraux constitutionnels prétendaient le plus l’avoir écrasé étaient ceux où il frappait ses coups les plus hardis et les plus heureux, de même les jours où l’opinion applaudissait le plus à ses succès étaient ceux où il se trouvait en réalité dans les plus grands embarras. Vainqueur quand on le disait fugitif, fugitif quand on le croyait vainqueur, sa situation n’a jamais été fidèlement connue, et l’énigme constante que ses courses donnaient à deviner n’a pas été un des moindres motifs qui ont porté si loin le bruit de son nom.

Entendons-nous, en rétablissant de notre mieux la vraie couleur des faits, porter la moindre atteinte à sa gloire ? Non sans doute. Ce qu’il n’a pas fait, il n’a pas pu le faire, et le procès qui lui a été intenté fut le comble de l’injustice et de l’ingratitude. Ce qu’il a fait au contraire est merveilleux, et a été peut-être plus utile à la cause carliste que n’aurait pu l’être ce qu’il a vainement tenté. S’il n’a rien produit de durable, il a étonné, ce qui est beaucoup parmi les hommes ; avec plus d’habileté de la part de son gouvernement, ce qu’il y a eu de surprenant dans son passage aurait suffi pour amener des résultats considérables. Du reste, nous ne prétendons pas faire honneur aux généraux de la reine de l’avortement de la principale tentative de Gomez ; ces généraux ont mérité tous les reproches qui leur ont été faits, et nous n’essaierons pas de les défendre. Nous ne suivons d’autre parti dans ces récits que celui de la vérité.

Pour mettre un peu d’ordre dans notre narration, et nous retrouver au milieu de ces manœuvres si capricieuses et si compliquées, nous diviserons l’expédition de Gomez en quatre parties bien distinctes : 1o l’excursion dans les Asturies et dans la Galice, avec le retour au point de départ ; 2o l’entrée en Castille et la marche sur L’Andalousie par le centre de l’Espagne jusqu’à la prise de Cordoue ; 3o le voyage en Estramadure, depuis le départ de Cordoue jusqu’au retour sur le Guadalquivir ; 4o la seconde campagne d’Andalousie et le retour d’Algésiras dans les provinces basques.